Plaisians au pied du Mont Ventoux, site de notre séminaire d’octobre (en bleu la Méditerranée).
Depuis juillet le monde a encore rétréci. Un logiciel extraordinaire renvoie nos mappemondes au musée des inventions désuètes pour y rejoindre pêle-mêle la règle à calcul, la machine à écrire, le microsillon, le four sans micro-ondes et très bientôt la disquette.
Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si les fameux globes de Coronelli chefs-d’œuvre offerts à Louis XIV exposés rapidement lors de l’inauguration des verrières du Grand-Palais cessent enfin leurs pérégrinations et rejoignent l’écrin que leur prépare la BNF.
Ce logiciel miracle est offert par Google le moteur de recherche sur internet. Google Earth, c’est son nom, est d’un usage très simple. Une fois installé, il suffit de savoir manier une souris et de disposer d’une connexion Internet. En quelque clics, vous survolez Paris, rejoignez New-York à une vitesse qu’aucun supersonique n’offrira jamais. Une petite tape sur le mulot et vous êtes à Bagdad en trois secondes chrono. Un zoom arrière et se dessinent le Tigre, l’Euphrate, le Golfe arabo-persique et les frontières en surimpression de ces images satellites. On lève la manette et les montagnes surgissent, en relief.
Le premier réflexe qui s’impose est de vérifier que son logement figure bien sur le cliché. On en profite au passage pour jalouser la piscine du voisin, s’étonner de la superficie du jardin de M. le Maire… avant de se retourner la question « n’aurais-je rien à cacher moi aussi ? ».
Certains crient alors au respect de la vie privée, tandis que les Etats, sous prétexte de menace terroriste, invoquent le secret militaire (c’est fou tout ce qu’on justifie au nom de la menace terroriste). Sûr que ce logiciel a dû donner lieu à quelques réunions de crise dans les états majors des armées et du nucléaire. Faisons confiance à nos entreprises qui ne tarderont pas à décorer leurs toits de messages publicitaires, logos, fresques, trop contentes d’exploiter un nouveau média à bon marché. Quelques artistes, dans l’esprit d’un Christo, s’y risqueront espérant atteindre ainsi l’audience planétaire. Tous seront tenaillés par cette angoissante question « quand repassera le photographe ? » Il faudra quand même s’inquiéter le jour où ce dernier ne passera pas tous les trois ans comme aujourd’hui mais diffusera ses images en temps réel !
Pour l’instant je n’y vois qu’un formidable outil. Les cours de géographie humaine et physique devraient être bien plus vivants. « Chers élèves regardez cette faille qui prend naissance là depuis les grands Lacs d’Afrique, s’enfonce sous la mer Rouge, recueille les eaux du Jourdain, paresse dans la Bekaa. C’est la Rift Valley. » Si la réduction des distances est le moteur principal de la mondialisation cet outil en est le contrepoint humain. On peut même rêver que ce logiciel rende les peuples plus proches donc moins indifférents. Chaque foyer, qu’il vive dans une mégapole ou en brousse, n’est plus une représentation mentale, lointaine, abstraite, indifférenciée, inquiétante, mais un réel accessible, proche, doté d’un environnement presque d’un visage.
En savoir plus : l’article du Webzine l’Internaute