Médecins sans Frontières est née d’une divergence de vue avec la Croix-Rouge jugée institutionnelle et coupable d’une neutralité trop bienveillante à l’égard des Etats. C’était au début des années 70 lors de la guerre du Biafra. La télévision qui s’installait durablement dans les foyers jetait à la face d’un monde en pleine société de consommation l’image culpabilisante d’enfants au ventre gonflé par la famine(*). Dix ans plus tard naissait Médecins du Monde d’une scission de Médecins sans Frontières. Le différent portait sur l’opération « Un bateau pour le Vietnam » déclenchée en 1979. Une partie des cadres dirigeants de MSF (une quinzaine en tout) voulaient affréter un bateau avec à son bord médecins et journalistes supposés témoigner des violations des droits de l’Homme sur le terrain. Face au refus de politiser cette opération, ce groupe quitte l’association pour fonder, en mars 1980, Médecins du monde. Le monde des ONG français en ressort durablement émietté.
La chargée de recrutement qui nous reçoit cet après-midi dans les locaux de MDM rue Marcadet pour une information sur le volontariat préfère parler de différence de personnalités entre les deux principales ONG médicales françaises.
Qu’est-ce qui les distingue aujourd’hui ? Une culture plus indépendantiste pour MSF, une structure plus associative et une action en France auprès des exclus de la santé pour MDM. Pour le reste, côté recrutement et organisation des missions internationales, pas de différence fondamentale. La constitution d’un vivier (appelée « base de données » chez MDM) est l’outil censé réaliser l’adéquation entre profils et poste le moment venu. En pratique il est conseillé, après sélection sur dossier et entretien, de rappeler régulièrement… Dans les deux ONG même carence de profils médicaux, même pléthore de profils non-médicaux. Le salariat des expatriés au-delà d’un an de mission qui est la règle chez MSF commence à se pratiquer chez MDM. Autre signe d’alignement, l’indemnité mensuelle de mission est identique entre les deux ONG à l’euro près (610 €) ! Pas même de quoi payer un loyer parisien.
Le per diem, argent de poche remis sur place, est fixé selon le niveau de vie local et la prise en charge ou non des repas entre 200 et 600 euros par mois. Pour être digne de tels avantages (!) on est prévenu : on ne joue pas avec les consignes de sécurité, journées de 12 heures, semaines de 6 ou 7 jours, confort spartiate, généreux congé d’une semaine au bout de 3 mois, engagement d’un an pour les non-médicaux,… qu’est-ce qui fait courir les humanitaires ?
(*) : des études montreront plus tard l’instrumentalisation par les Biafrais eux-mêmes, de ces images et des ONG (lire à ce sujet le texte de Rony Brauman)
A lire : Médecins sans frontières, la biographie, Anne Vallaeys, Fayard, 764 p.