La
Bibliothèue Nationale de France participe à son tour au dialogue des religions du Livre. Disons tout de suite que ce concert de référence systématique aux trois monothéismes (judaïsme, christianisme, islam) que ce soit dans la presse, dans l’édition, sur les antennes a quelque chose d’un nouveau credo. Après la laïcité perdue, le monothéisme serait-il la nouvelle identité revendiquée de la France ? Une planche de salut pour tenter de sauver un semblant de cohésion et de paix sociale ? Une telle exclusive porte en elle le rejet du dialogue en direction d’autres religions tout aussi capitales à l’échelle du monde cette fois, qu’elles soient bouddhisme, hindouisme, animismes… Plus généralement ces expositions teintées de bonne conscience et d’opportunisme sur les questions de société finissent pas avoir quelque chose de suspect. Comme ces témoignages d’âge d’or, Andalousie, sciences arabes (en ce moment à l’IMA), dont on ne sait si elles veulent faire oublier les obscurantismes contemporains ou fournir des clefs à ce que devrait être l’islam quitte à simplifier et prendre des libertés avec la
réalité historique. Il y aurait beaucoup à dire sur les motifs idéologiques des grandes expositions contemporaines. A l’issue de quel raisonnement (géographique, démographique, républicain, politique, historique, religieux, documentaire…) présente-t-on de manière égalitaire les trois religions du Livre au point de pousser cette logique à répartir en tiers l’espace de l’exposition ? Quelle place pour la dimension spirituelle dans un tel espace ? Autant de questions qui nous renseigneraient sur la pensée de notre siècle.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Il faut bien que les expositions aillent à la rencontre de leur public. Et celui de la BNF est tout trouvé : les élèves de collège et de lycée. Cette exposition Livres de Parole, à laquelle j’assistais au vernissage à l’invitation de ma sympathique voisine qui y a collaboré directement, fait le pari de rendre accessible la richesse et l’interculturalité des textes dans l’espace et le temps. Voilà bien un pari risqué sur un terrain miné. Une chronologie discutable, une référence de trop, une carte ethnocentrée, une branche spirituelle non représentée, l’acception d’un terme… tout peut être sujet à controverse sur un sujet que l’on commente plus que tout autre depuis quatre millénaires. Les professeurs qui accompagneront leurs classes, plus diserts en laïcité qu’en religion, ont intérêt à réviser !
On ne s’étonnera pas qu’en ce lieu la démonstration passe par… le livre. Ou plus précisément des manuscrits prestigieux dont la simple exposition en vitrine d’une page évoque la mémoire des copistes successifs et la foi des peuples. A l’ère du SMS où même les écrits s’envolent espérons que nos enfants y soient aussi sensibles que leurs aînés qui ont conçu cette exposition.
C’est loin d’être le plus beau, mais j’aime particulièrement ce document de 1694 qui est un des premiers Coran traduit et imprimé en latin.