Ma collègue « Dame Partenariats » continue de m’initier au réseau des Grandes Écoles, après m’avoir fait une place dans son bureau. Me voilà cette fois convié à une conférence-débat passionnante à la Mairie du IIIème organisée par le Groupement HEC Solidarité et Action humanitaire animé par Michel Tardieu. Thème « Peut-on » faire carrière » dans les métiers de la solidarité ? »
A la tribune, le jeune Emmnuel Fagnou raconte son parcours de jeune diplôme d’Ecole de commerce, consultant en Banque d’affaires qui se lance dans le micro-crédit au Cambodge une activité qui lui « correspondait mieux« . Après d’autres missions à l’étranger (HI Kenya, Guilde du Raid), il rejoint Coordination Sud pendant 6 ans et en devient le directeur. Il parle des passerelles dont il a bénéficié puisque aujourd’hui il dirige un pôle de services à domicile, emploi qui répond à son désir de stabilité et de vie en province. Il énumère les passerelles possibles entre ONG et économie sociale :
- Ministères (coopération d’Etat)
- Collectivité locales (Conseils généraux)
- Agences internationales (avec forte orientation Finances)
- Fondations d’entreprise
Voilà des solutions pour se stabiliser en France, mais tout ça ne nous dit rien des voies possibles vers le privé. Cet éclairage très attendu c’est Pierre Gimenez qui nous le donne. Ce DRH de l’entreprise Pierre et Vacances en partenariat avec » Résonances Humanitaires « , dont c’est la spécialité, aide les expatriés d’ONG en fin de mission à se réorienter dans la vie professionnelle (relecture de CV, mise en relation). Il reconnaît que pèse dans le privé de lourds préjugés contre les humanitaires qui ont passé plusieurs années sur le terrain (les administratifs des sièges d’ONG sont quant à eux moins affectés), sur leur incapacité présumée à s’adapter au mode de vie d’une entreprise classique. Il pèse la valeur de ces candidats atypiques qu’il a rencontré :
- Côté qualité : maîtrise des langues, adaptabilité, mobilité, débrouillardise, compétences techniques,
- Côté défaut : pertes du sens marchand et de la vision court-terme, peine à dépasser l’affect des projets, et en tant que candidat, sous-évaluation des prétentions salariales !
Mêmes imparfaits il voit beaucoup d’intérêt pour une entreprise à recruter ce type de profils. Leur diversité évite le clonage à l’heure où, plus que jamais, les entreprises ont besoin d’imagination. Il y voit aussi un intérêt pour les collaborateurs de l’entreprise dynamisés par d’autres parcours. Et si l’expérience suscite des vocations…
Anne-Claire PACHE, responsable de la chaire Entrepreneuriat social de l’ESSEC, refuse de parler de crise de valeur de l’économie marchande bien que 10% des étudiants de l’ESSEC soient inscrits à cette chaire. Ce qui anime les étudiants aujourd’hui c’est plus ce que l’on fait du profit et le besoin de sens dans l’action et d’impact sur le monde. Les étudiants qui rejoignent ou montent une structure dans l’économie sociale (comme elle l’a fait avec Unis cité) accèdent très vite à des responsabilités importantes. La réussite est à la clef pour des candidats « motivés et compétents« . De son expérience aux US, où le secteur social gère une partie de ce que prend en charge l’Etat chez nous, elle cite un grand professionnalisme et l’absence totale de barrières entre l’emploi en secteur marchand et économie sociale. Les formations sont adaptées au non profit management depuis bien longtemps.
Au cours du débat qui suit sont listées les caractéristiques des métiers de l’humanitaire, inventaire à confronter au privé :
- Les salaires près de moitié moindre pour le même type d’emploi.
- Absence de logique d’investissement, que du court terme
- Multiplicité d’instances
- Lourdes responsabilités (morales et financières aléas des entrée de fonds)
- Conditions matérielles plus difficiles (locaux…)
- Pression acceptée (heures sup’ non payées …)
- Précarité d’emploi
Le débat était animé par Richard WERLY, journaliste au quotidien Suisse » Le Temps « , spécialiste des questions de solidarité et qui vient de publier un livre sur le Tsunami (un intervenant potentiel pour le colloque que Paris XII organise en fin d’année). Il insiste, sans être rejoint par ses invités, pour dire que l’humanitaire est souvent une échappatoire au monde de l’entreprise considéré comme trop difficile. Un engagement « par défaut » qui atteindrait vite ses limites dans la durée.
A l’issue du débat, échanges avec les invités qui me confirment qu’aucune structure n’existe pour faciliter le passage du privé vers l’humanitaire (formation, cabinet RH spécialisé…) Un créneau à l’heure où les barrières s’effritent enfin ?
Sur le même thème, écoutez l’émission de Rue des entrepreneurs diffusées sur France Inter il y a une semaine (Profession : ONG).