Visite à mes parents dans cette ville de Roussillon à mi-chemin entre Lyon et Valence où j’ai passé toute mon enfance. Papa est sorti de l’hôpital. Parcours dans une ville morte pour cause de 1er mai : le château qui hébergea Catherine de Médicis en 1564, l’église au pied de l’ancien fortin médiéval qui contrôlait la vallée du Rhône, les vestiges du rempart, l’école primaire, la Grand’rue et, au loin, mon lycée et les usines Avantis moteur des Trente glorieuses de la région.
Au domicile familial je retrouve ma chambre d’adolescent intacte avec cette impression d’entrer dans un univers à la fois daté et rétréci. Dans ce qui reste de ma bibliothèque d’étudiant j’ai mis la main sur un Alfred Sauvy de 77 et un Bernard Marx de 81. Chômage, mondialisation, immigration, dette du Tiers-monde, pétrole, critique du libéralisme… je suis surpris de l’actualité des thèmes abordés comme si sur le fond (mis à part la chute du bloc communiste et la maîtrise de l’inflation) rien n’avait vraiment changé en trente ans. Au rayon des solutions je retrouve un digest du Programme commun de la gauche de la même époque(***) qui interpelle sur la faible capacité de notre société à maîtriser ses orientations et échapper à la force d’entraînement de l’économie.
Je range dans mon carnet cet extrait d’un Sauvy agacé et précieux garde-fou contre les y’a qu’à de toute confession tout aussi pertinent en politique qu’en matière humanitaire :
«L’ignorance et l’affectivité, ces sœurs jumelles, permettent à chacun de formuler des jugements fermes, sans fondement. Filtrant les faits avec un soin extrême, non conscient, l’affectif vit dans son monde de confort intérieur et d’indignation envers l’extérieur. » p. 298.
(*) Alfred Sauvy, L’économie du diable, chômage et inflation, Le livre de poche, 1977.
(**) Bernard Marx, Comprendre l’économie capitaliste, 1981.
(***) Parti socialiste, 89 réponses aux questions économiques, Flammarion, 1977.