La nuit à Maputo n’est pas notre nuit. Noire comme l’Afrique, profonde et insondable comme la forêt tropicale elle fourmille d’une vie aussi intense qu’invisible. Il serait vain de mesurer son opacité à l’aune de nos pupilles atrophiées par trop de lumière. Nos nuits sentent l’hiver et la claustration ; le radiateur, la télé, l’halogène et l’artifice. Elles sont rupture. La nuit africaine file le jour. Malgré l’obscurité, la vie continue ; sous les Tropiques il est toujours trop tôt pour la nuit. Dehors, elle ne subtilise pas le vivant mais, faute d’éclairage le dissimule.
Ces ténèbres là vous plongent dans une solitude trompeuse. Dans cette obscurité profonde dix yeux sont sur vous bien avant que vous ne deviniez leur ombre sous la lune. Un vigile immobile baille sur sa chaise ; au pied du lixo s’affairent sans un mot trois miséreux ; le vendeur MCel agite son accordéon de cartes téléphoniques jaunes, il n’a pas fait son chiffre aujourd’hui ; une femme allongée à même le sol propose des pyramides d’oranges ridées, deux sans-abri dorment sur le pas d’une boutique. Plus loin des amoureux se bécotent sur un muret, des enfants jouent au foot sous un lampadaire blafard. Un petit marché égrène ses ampoules nues. Dans un maquis le billard bat son plein et la bière coule à flot. Une barraca s’enflamme un instant sur un air de samba avant que le silence ne retombe. Il faut surveiller son pas. Tout peut arriver. Un trottoir branlant, un nid de poule, une canalisation rompue, une voiture sans feux, une bouche d’égout béante, un voleur… sont autant de dangers prêts à vous expédier dans une nuit plus définitive.
Août 162006