Par exemple je n’arrive pas à mettre la main sur des vestiges de la période antérieure à l’arrivée des Portugais. Pourtant le sultan Moussa M’Bek ne se contentait certainement pas d’une case en makuti. Plus au nord, à Kilwa, j’ai visité il y a deux ans un site swahili exceptionnel où palais du XVIe s., écoles, grande mosquée n’avaient pas à rougir des premières implantations portugaises(***). A Ilha, seul témoignage tangible du passé pré-lusitanien, une mosquée du XIIe s. est signalée comme la première mesquita mozambicaine. Elle a dû être remaniée puisque de la rue rien ne distingue sa façade des autres bâtiments coloniaux, hors les petites sandales sur le pas de la porte aux heures de prière.
Si la première vertu d’un fort est d’impressionner, selon ce critère celui d’Ilha est réussi. De la mer les murailles de São Sebastião aveugles aux reflets noirs, hérissées de canons semblent infranchissables. L’intérieur du fort bien moins austère abrite provisoirement l’école secondaire voisine en rénovation. Les pupitres ont remplacé les prie-Dieu dans les travées de l’église et celles des magasins de munitions et de vivres. Seule la chapelle Nossa Senhora do Baluarte a échappé à l’appétit de savoir. Ce grand oratoire se dresse bien imprudemment juste hors du grand rempart à l’extrêmité nord de l’île face au large. Dans la ville nous tenions la plus ancienne mosquée nous tenons là certainement la plus ancienne église du Mozambique voire de l’Afrique australe. Une restauration énergique lui a redonné son lustre portugais du début du XVIe s. On venait y prier avant d’affronter pour plusieurs semaines les dangers de la mer que l’on se rende à Goa, à Lisbonne ou au Brésil.
(**) La documentation disponible se limite aux quelque pages consacrées à Ilha dans les guides sur le Mozambique, au catalogue du musée d’art sacré et à une photocopie élimée d’un plan de l’île. Il y aurait là une lacune à combler s’il y avait plus de voyageurs. Le registre du musée fait état d’une centaine de visiteurs le mois dernier dont trois Coulibaly maliens et autant de Français.
(***) Sur la côte tanzanienne à mi-chemin d’Ilha à Zanzibar. Voir mon récit Zanzibar et la côte swahilie.