Piadre, la ville de pierre de corail et de chaux est la partie la plus étendue mais la moins peuplée. Les ruelles sont bien tracées. Les façades roses, jaunes, blanches plus ou moins fraîches alternent avec des bâtiments en ruines. Ses rares habitants semblent plus squatter qu’habiter ces lieux délabrés, trop grands, trop ruinés pour être réhabilités. C’est là qu’on trouve les rares boutiques qui feraient passer les « supermercado » de Maputo pour des hypermarchés. C’est dans ce quartier que se tient le petit mercado municipal construit en 1905, les monuments historiques et les bâtiments administratifs de la ville : BIM, PRM, Poste, TDM, Agua de Moçambique, écoles, hôtels, un restaurant, quelques pensions qui paraissent toujours fermées et une boutique d’artisanat.
Makuti c’est tout autre chose. Des cases couvertes du célèbre toit de palme séchée aux reflets gris que l’on retrouve jusqu’au nord du Kenya. Ce quartier est construit en contrebas des deux étroites voies qui conduisent au pont car le terrain a longtemps servi de carrière. Depuis la rue, la vie au Makuti s’expose aux yeux de tous. Les cases sont serrées, séparées par d’étroits chemins de terre impeccablement balayés. On cuisine dehors. Les maisons traditionnelles sont constituées d’une armature en branchage garnie de petites pierres enduites. Les plus riches sont en parpaings mais couvertes en makuti qui respire mieux que la tôle. L’intérieur est bien modeste, sans électricité, sans eau courante, sans toilettes. Sur ce dernier point la mer pourvoie. A toute heure, on se dirige vers la plage de l’autre côté de la rue, à la vue de tous, faire ses besoins. Homme ou femme on s’accroupit, on s’exécute à la turque puis on se rince à l’eau de mer devant des passants indifférents. La marée viendra à son heure faire office de chasse-d’eau. En attendant, le promeneur surveille son pas…
L’activité principale de l’île est la pêche bien avant le tourisme qui – même riche en promesses – reste totalement marginal avec sa cinquantaine de lits. Sur cette île densément peuplée, sans eau pérenne, l’agriculture est laissée aux continentaux. Les 13000 habitants vivent au rythme des marées et des retours de pêche. Le marché au poisson qui se tient au petit port est le temps fort de la journée. A l’arrivée des barques et des voiliers on s’empresse de négocier les prises dont on fait d’étonnantes guirlandes avant de les revendre au détail, de les sécher ou de les consommer.
Près du port se tient le centre religieux : la mosquée, la madrasa (1923) et le conseil islamique où enseigne Ahmed. La ville a gardé son prestige religieux hérité des siècles de rayonnement d’Ilha, pont entre le continent africain et le reste du monde sans céder à la rigueur et à l’austérité wahhabite. La sortie de la grande prière ce vendredi est un défilé coloré d’hommes et de femmes joyeux qui n’ont que faire de dogmes. Un proverbe macua ne dit-il pas «la barque de chacun est dans son propre coeur.» (*)
(*) Cité par Mia Couto (encore !) dans Les baleines de Quissico recueil de courtes nouvelles dont la lecture s’achève avec ce voyage.