Sep 152006
 

Ceux qui m’imaginent au chevet du monde, dans la poussière d’un camp de réfugiés, arrachant des vies humaines à une mort certaine seront déçus. Dans le vaste champ de la solidarité la micro-finance fait figure moins noble. On connaît les tabous qui pèsent sur l’argent dans nos sociétés. Pourtant, bien géré, le micro-crédit a démontré son efficacité comme facteur de développement en particulier auprès des femmes. Quelques notions de base.

«On ne prête qu’aux riches». C’est cet adage que le miro-crédit voudrait faire mentir. L’idée est simple. Permettons aux plus modestes d’accéder au crédit pour qu’ils disposent des moyens d’investir et donc de développer leur activité comme le ferait n’importe quel entrepreneur du secteur formel. Prêtons, ne donnons pas, pour que l’emprunteur porte son projet. Concrètement le micro-crédit c’est le prêt de petites sommes (à notre échelle), sur des durées courtes (moins d’un an) aux laisser pour compte des banques traditionnelles.
Si le concept est simple sa mise en oeuvre l’est moins.
Pour que fonctionne une activité de micro-crédit il faut réunir :
– des fonds disponibles pour être prêtés,
– des clients solvables.
Concernant le premier point au lancement d’un projet de micro-crédit les fonds sont souvent octroyés par des bailleurs publics ou privés, nationaux ou internationaux sous forme de dons dans le cadre de projets de développement. Outre cette mise initiale les bailleurs fournissent également, pour amorcer l’activité de prêt, l’appui technique indispensable permettant la mise en place d’une organisation viable : personnel, formations, locaux, outils…
Sur le terrain la commercialisation des prêts se fait classiquement au travers d’associations. Leurs animateurs non seulement font la promotion du crédit, effectuent les prêts mais recouvrent également les sommes empruntées. L’octroi d’un crédit est soumis à une commission mise en place par l’association qui statue selon des critères définis à l’avance tels que la nature du projet, le niveau de solvabilité, l’historique client… Cette décision est prise sur dossier et éventuellement après enquête.
L’association regroupe les besoins de ses membres et emprunte à son tour à la structure faîtière la somme nécessaire.
Alors que le client rembourse à l’association, cette dernière rembourse à la faîtière les sommes qu’elle lui a emprunté. A chaque niveau des intérêts sont perçus pour :
– couvrir le risque (insolvabilité)
– tenir compte de l’inflation
– rémunérer les structures, les personnels, les frais de gestion de l’association et de la faîtière.
Ces intérêts traduits en taux annuel peuvent paraître élevés. Outre l’inflation qui dans certains pays n’est pas maîtrisée, les frais de gestion sont les mêmes pour un petit crédit que pour un gros prêt, voire plus élevés car le recouvrement du crédit est la plupart du temps manuel ; les clients ne possèdent ni compte bancaire ni revenus stables permettant d’imaginer un prélèvement automatique. Un taux d’intérêt annuel de 50% n’a donc rien d’exceptionnel en matière de micro-crédit même avec des taux d’inflation inférieurs à 10% l’an.

On distingue classiquement trois types de produit :
– crédit individuel de particulier qui s’adresse à une population disposant de biens à mettre en gage.
– crédit pour entreprendre où l’actif de l’entreprise peut servir de caution,
– crédit solidaire largement répandu pour les plus démunis. Cinq personnes par exemple se regroupent pour emprunter une somme dont ils seront responsables solidairement. Cette somme peut être utilisée pour lancer un projet collectif ou plus classiquement répartie entre les membres du groupe à leur discrétion. Ce type de crédit cible le secteur informel et agricole.
Selon la nature de l’activité les modalités de remboursement peuvent être très différentes. En milieu rural un prêt pour l’achat de semences sera remboursé en une seule fois à l’issue des récoltes ; en milieu urbain (pour des crédits de marchandes) les remboursements peuvent intervenir dès le mois suivant l’octroi après l’écoulement partiel du stock. On le voit la solvabilité est un risque à maîtriser. Ce n’est pas le seul facteur qui peut faire échouer un projet de micro-crédit. Détournement de fonds ou intérêts exorbitants au profit des dirigeants d’association, crédits parallèles, produits inadaptés à la clientèle, partialité du Comité d’octroi, financement d’activités sans rapport avec le développement, sur-endettement, abonnement au bailleur, environnement concurrentiel sont autant de risques potentiels qu’il faut en permanence surveiller.
Car les techniques empruntent largement au monde de l’entreprise et de la banque en particulier et s’accordent mal d’amateurisme.
C’est pourquoi à l’issue d’une période de rodage il est nécessaire de transformer le projet en institution financière reconnue au même titre qu’une banque de manière à prévoir dans ses structures et son fonctionnement les garde-fous nécessaires à sa viabilité. On ne peut se reposer dans ce domaine sur la seule bonne volonté du personnel impliqué. Il est indispensable de verrouiller les statuts des associations, le rôle de la faîtière, la politique de crédit, le statut du personnel, les procédures comptables et financières et de disposer en amont d’un plan d’affaires avec étude de marché et simulations financières. Les États encadrent plus ou moins cette activité. C’est normalement le rôle de la supervision bancaire en général dévolu à la banque centrale du pays auquel le projet doit nécessairement rendre des comptes.
Pour être au cœur d’un processus d’institutionnalisation je peux vous dire que les défis sont quotidiens. Heureusement que les expériences réussies nous servent de référence.