Sep 022006
Ilha m’est apparue au terme d’un long voyage. Après plus de mille kilomètres de côtes turquoises, de dunes et de lagons vierges, de savane et de paillotes, cette ville de pierre surgie des siècles attire comme un aimant. Du continent, l’île n’est pourtant qu’un mince filet blanc, une écume sur l’horizon entêtée à départager le ciel et la mer. Mais lorsque le chapa se lance sur l’étroite passerelle qui relie Ilha au continent, le regard ne peut se détacher des forts, des églises, des minarets, des entrepôts silhouettes familières et rassurantes que le voyageur reconnaît immédiatement.
Mais à qui doit-on cette familiarité ?
A Vasco de Gama bien sûr ! Le navigateur portugais aborde Ilha lors de son fameux périple le 4 mars 1498 après avoir doublé le Cap de Bonne Espérance. Le port d’Ilha est alors un comptoir important pour les Arabes qui contrôlent depuis plusieurs siècles la côte est-africaine. Vasco de Gama rencontre le sultan de l’île et obtient deux navigateurs qui lui permettront d’atteindre l’Inde. Ce sultan est un certain Moussa M’Bek… dont le nom déformé qualifiera bientôt la région puis le pays tout entier avec l’île du Mozambique pour centre. Ilha devient une étape stratégique pour les Portugais sur la nouvelle route des Indes. Ils l’arrachent aux Arabes en 1507, en même temps que Sofala(*) au sud. Ils installent un dispensaire, une église et bientôt une forteresse pour la défendre des convoitises arabe, hollandaise et anglaise. En 1752 plus d’un siècle après le début du fructueux commerce d’esclaves entre le Mozambique et le Brésil, l’île devient la capitale du pays et un port très actif.
Elle perd ce titre en 1898 au profit de Lourenço Marques, future Maputo. Ilha entame alors un long déclin. Pour parachever cette inexorable déchéance Nampula et Nacala lui ravissent ses dernières prérogatives administratives et économiques. Si l’Histoire est ingrate, la nature est têtue et généreuse. Sitôt oubliée des hommes, les éléments se sont empressés de la faire disparaître. D’un ponton déchu j’admire au crépuscule de ce premier soir les témoins fatigués de cette richesse engloutie, l’écume des siècles.
Elle perd ce titre en 1898 au profit de Lourenço Marques, future Maputo. Ilha entame alors un long déclin. Pour parachever cette inexorable déchéance Nampula et Nacala lui ravissent ses dernières prérogatives administratives et économiques. Si l’Histoire est ingrate, la nature est têtue et généreuse. Sitôt oubliée des hommes, les éléments se sont empressés de la faire disparaître. D’un ponton déchu j’admire au crépuscule de ce premier soir les témoins fatigués de cette richesse engloutie, l’écume des siècles.
(*) Actuelle Beira
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « L’écume des siècles ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2006/09/lecume-des-siecles/>