Quel soulagement d’avoir quitté Maputo, cette prison sans barreaux ! A Ilha j’ai retrouvé ma liberté de mouvement sans autre danger que l’insolation. C’est que j’ai regagné les Tropiques et le soleil est tout autre que celui de la capitale 1500 km au sud.
Ce matin j’ai fait connaissance avec ma pension, dont le seul défaut est de répondre au nom imprononçable de «o Escondidinho». C’est une construction ancienne rénovée avec goût, l’image même de ce que les magazines de décoration nous proposent(*). Vous savez ces idées qui semblent toutes simples mais qui mises en pratique chez soi ne donnent pas du tout l’effet escompté. Et bien ici, la magie opère. Sofa mauve, paniers remplis de coquillages et de bougainvilliers, patios, hauts plafonds en poutres, sol tadelak.
L’auberge dispose même d’une petite piscine qui me permet de faire de courtes longueurs aux heures trop chaudes pour flâner en ville.
Cette première journée est consacrée à une visite superficielle de l’île. Je me laisse gagner par l’émotion, les échappées sur les eaux turquoises, les maisons de chaux décrépies, les ruelles fraîches, le fort immense. Un charme absolu. Ilha c’est tout à la fois le calme de Lamu, le climat de Zanzibar, la barandilla et les monuments espagnols de Sidi Ifni, les fortifications de Malte. Et une population sympathique ; on ne croise personne sans sourire et salutation.
Au jardin public, j’ai rencontré le professeur d’arabe du conseil islamique d’Ilha. Ahmed est égyptien. Il a étudié à la prestigieuse Université al-Ahzar du Caire. Son savoir aussi docte que sa barbe est blanche ne l’empêche pas de converser très simplement avec moi en arabe et en portugais. Nous parlons du pays, de Mansourah sa ville, de Dieu bien sûr… sous le regard étonné de Khamis un de ses jeunes élèves mozambicains. Sous ce ciel œcuménique pas question de se contenter d’un prosélytisme simpliste. Le discours est nuancé, l’universalité d’Allah n’empêche pas sa révélation sous des formes diverses. Ici même Dieu a déposé les armes.
(*) O Escondidinho. Coordonnées sur leur site. De 800 à 1080 MTn. Le restaurant offre la meilleure cuisine de l’île qui fait une large part aux produits locaux.
(**) « Côté Sud » par exemple.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « O Escondidinho ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2006/09/o-escondidinho/>