30°, 35° on ne sait plus. Par cette chaleur humide on ne serait bien qu’à la plage. Le dos moite, le poignet brûlé par le […]
Quelle affaire ces chapas(*) ! Pas une semaine sans qu’ils ne fassent l’objet d’articles dans la presse. Tout le monde s’en plaint mais personne ne tient à les voir disparaître.
- A commencer par les clients. «Trop cher, desserte capricieuse, on nous traite comme du bétail, aucune qualité de service !» Pourtant qu’ils viennent à manquer un seul jour et c’est l’émeute,
- Les collectivités locales qui voudraient bien leur substituer un véritable service public de transport en commun qui séduirait l’électeur mais qui sont pour l’instant incapables d’assurer la même couverture(**),
- Enfin la police, qui officiellement se plaint du non respect des règles de conduite et de sécurité mais dont les agents sont bien contents d’arrondir leurs fins de mois en rackettant les conducteurs.
Des années d’instabilité, la faillite de l’État et le développement du secteur privé ont eu raison du service public.
Un oeil sur le modèle économique pour comprendre les limites du tout privé dans ce domaine. Ce type de transport a connu un grand essor dans les années 90 dans de nombreux pays du Sud. La production sur le marché asiatique de petits modèles de bus, plus souples et moins coûteux à l’achat que les cars traditionnels, ont permis leur acquisition par de petits entrepreneurs privés.
Un peu d’arithmétique. Sur une recette journalière de 60€, 30€ vont au propriétaire du véhicule, 27€ au combustible (0,75€ le litre). Il reste donc 3€ par jour à se partager entre le chauffeur et son assistant, mi-bateleur, mi-acrobate qui rameute la clientèle, encaisse, signale les arrêts (« paragem !« ) et actionne la porte coulissante.
La marge est donc ridiculement faible. En ville, un passager paie 15 ct d’euro la course. Pour atteindre le seuil de rentabilité des 60 € il faut transporter 400 passagers, soit, pour un véhicule de 13 places réglementaires 30 trajets. A une demi-heure le trajet en moyenne ça fait 15 heures de travail non-stop pour un salaire journalier de 1,5 € !
Autant dire que les chapeiros ont rapidement trouvé des solutions pour arrondir leurs fins de mois et faire face à l’aléa.
Plutôt que treize passagers on en entasse systématiquement 17 (parfois jusqu’à 20). 4 passagers supplémentaires c’est 30% de recette en plus sans augmentation des frais soit 18€ de plus (ou la possibilité de finir la journée plus tôt). Faut-il encore trouver rapidement des clients pour rouler à plein. Aux terminus et aux arrêts la concurrence entre chapeiros est vive. Le ton monte souvent quant on en vient pas aux mains. La jungle ! Autant dire que – face à la pénurie de transport et à la quête de la rentabilité immédiate – le client est le grand oublié de ce système qui ne respecte aucun cahier des charges digne d’un service public. Seules les lignes rentables sont exploitées sans souci de désenclavement de zones isolées dont le développement passe pourtant par l’accès aux marchés. Le bras de fer entre État, collectivités locales et transporteurs est donc loin d’être terminé.(****)
(*) Microbus et minibus privés assurant l’essentiel du transport en commun à Maputo et en province. Le terme chapa 100, encore un mozambicanisme, vient du prix de la course à l’origine (100 Méticais).
(**) A Maputo la TPM ne possède qu’un parc très limité de grand bus.
(***) Source : Savana du 27 octobre 2006, p. 13.
(****) Dans les années 90 j’ai été le témoin de l’expansion de ce système de bus en Syrie. Il serait intéressant de comparer les modèles économiques de ce type de transport dans différents pays et d’évaluer leur impact sur le développement économique.