Samedi consacré aux emplettes de souvenirs au marché de l’artisanat(*). Beaucoup d’objets en bois de santal, ébène, os, malachite, des statuettes, des colliers, des masques, des batiks, artisanat du Mozambique ou d’ailleurs : statues en pierre-savon du Zimbabwe, tapis en sisal spécialité des antiquaires kenyans et même des portes dogons ! Pour me reposer d’un marchandage sportif, je bois un thé au Continental accompagné du meilleur pastel de Natal(**) du pays. Un peu plus tard je déjeune d’un caril de crevettes au « o coqueiro », sous le seul cocotier de la «Feira popular»(***), fête foraine permanente et bien décatie avec auto-tamponneuses et Luna Park tropical et plein de petits restaurants. Passage éclair d’Ali Faque, guitare au dos, que l’on compare très souvent à Salif Keita pour son même combat contre la double marginalité de musicien et d’albinos.
En remontant à pied à la maison je me fais contrôler par la police avenida Guerra Popular. J’ai l’habitude ; on aime contrôler l’identité des Blancs. Le Mozambique traque probablement les clandestins occidentaux attirés par le niveau de vie et les avantages sociaux exceptionnels du pays…
Aïe ! Aujourd’hui j’ai oublié la copie certifiée conforme de ma pièce d’identité(****) sur la table du séjour. J’ai heureusement une photocopie dans mon carnet de bord. Mais non, ça ne satisfait pas du tout mes deux policiers qui exigent l’original ou un double certifié. Je suis en infraction, même si j’habite à 500m. Je dois vider mon sac, mes poches et montrer mon argent ; leurs yeux s’arrondissent à la vue de mes 500 MTn. On me fait mijoter, dos au mur. Pour bien me culpabiliser on contrôle des citoyens en règle. Les gens passent intrigués de voir ce Blanc aux mains de la PRM. Je décèle même une pointe de compassion. Certains haussent les épaules en désignant les policiers… Et puis on m’annonce menaçant que l’on va me conduire au poste de police. Le manège qui fleure la corruption m’amuse, et puisque j’ai du temps à tuer ce soir je rentre dans leur jeu. Oui, oui, «vamos», pas de problème allons au poste régler cette affaire. Visiblement ce n’est pas la réponse attendue. Bizarrement on part à l’opposé des bureaux de la PRM pour remonter une petite rue. C’est clair, depuis le début ça sent l’entourloupe. Mes deux policiers traînent le pas. Moins ils sont enthousiastes à aller au poste plus je me montre pressé d’y aller. Enfin le plus grand des deux képis se décide à poser la question fatidique tout en lorgnant sur mon porte-monnaie. On règle ça ici («acabar aqui») ou au poste ? Je fais mine de ne pas comprendre et répète «ao posto, ao posto». Plutôt passer une nuit en prison que de donner un metical à un policier corrompu. Ma détermination a raison de leur rapacité ils finissent par me relâcher sans courtoisie.
Morale :
– À Maputo il faut se méfier tant des gendarmes que des voleurs !
– Il est préférable de ne pas céder aux intimidations d’agents corrompus,
– Les grandes campagnes anti-corruptions lancées cette année avec numéro vert sont loin d’avoir atteint leur objectif.
(*) Baixa, face à l’entrée du fort. Chaque samedi, jusqu’à 14h.
(**) Pastel de Natal, litt. couffin, petit feuilleté rond garni d’un flanc et saupoudré de cannelle. Délicieux tiède.
(***) Feira Popular : entrée 10 MTn. O coqueiro. Une vieille adresse où l’on dîne sous une belle bannière de l’équipe de foot portugaise de Benfica «Graças a Deus sou Benfiquista».
(****) Le port d’une pièce d’identité étant obligatoire, j’ai fait authentifier conforme une photocopie de mon passeport et de mon visa dès mon arrivée.