Nicole me suggère fort à propos d’introduire la question de la femme dans ma réflexion. Il est vrai qu’il a été beaucoup question de socio-économie jusqu’à présent. Tout ça finalement resterait bien technique si on n’introduisait pas à un moment donné la dimension humaine. Et ce n’est pas le plus facile. Prenons l’exemple de la famille.
Dans les profondes mutations que la planète subit, les rôles ancestraux de l’homme et de la femme sont de plus en plus bouleversés. Je ne connais pas de société qui échappe à ce phénomène, même les plus traditionnelles, même les plus reculées.
Difficile de fermer les yeux sur ces mutations et de ne voir en voyage selon l’humeur et l’endroit des femmes pilant le mil en chantant dans des boubous artistiquement colorés d’un côté ou d’affreux mariages arrangés, des femmes soumises et maltraitées de l’autre.
La question est autrement complexe et essentielle faut-il le rappeler puisqu’elle touche à la transmission de la vie, des valeurs, de la culture. Elle touche la famille, élargie ou non, cette cellule humaine de base creuset durant des millénaires de l’identité, de l’épanouissement et garante de la survie de ses membres grands et petits.
Parmi les facteurs de mutations de cette cellule citons l’exode rurale et autres migrations plus ou moins imposées(*), la transition démographique en voie d’achèvement dans beaucoup de pays(**), la scolarisation qui, quoi qu’on en dise, a progressée considérablement, l’évolution des moeurs, des modes de vie et de consommation largement relayés mondialement par les médias.
On connait un certain nombre de caractéristiques de ces mutations chez nous. Fort taux d’emploi féminin malgré des disparités hommes-femmes, élévation du niveau de revenu du couple et indépendance financière des conjoints, mariage et naissance retardés, socialisation précoce des enfants, multiplication des divorces et des familles monoparentales…
Qu’en est-il des autres sociétés, comment abordent-elles ces mutations voilà une question intéressante.
Quant au statut de la femme, la question étant sensible le sujet mériterait d’être abordé sereinement, avec mesure, recul, en distinguant le poids des traditions, le cheminement des peuples, en écoutant toutes les femmes pas seulement les porte-paroles dont le discours est politiquement correct ici ou là. Bref, comme sur d’autres sujets sensibles, en étant plus factuel que passionnel sous peine de passer à côté de la nature de la question. Chacun est libre ensuite d’appliquer ses propres valeurs. La question de l’homme devrait aussi être posée. Comment vit-il ces mutations, le chômage, le poids des traditions et le devoir d’assumer sa famille, l’émigration, son incorporation dans les conflits armés… et la condition des enfants bien évidemment.
Le voyage au présent que je défends ne revendique aucune cause sauf celle de parfaire la connaissance des sociétés. Il se distingue clairement du voyage militant qui aurait une cause à vendre. Il ne s’agit pas d’aller constater combien le monde va mal ou au contraire progresse que de dresser un état des lieux de la situation quitte à laisser la contradiction s’exprimer(***). La frontière est ténue. Le voyage au présent doit se doter d’une déontologie, d’un certain nombre de règles pour être crédible(****) Chaque acteur doit avoir à coeur de garantir une impartialité, un équilibre dans les points de vue. Compte-tenu des sujets, de leur actualité, des attentes du public ce n’est pas affaire simple.
—-
(*) il y a quelques semaines on annonçait que la moitié de la population était devenue urbaine
(**) issue du planning familial, largement motivé par des mesures incitatives (cf. Chine) mais surtout par les conditions de vie.
(***) Pour éviter de reproduire ces sinistres voyages militants maoïstes en Chine ou communistes dans l’ex-URSS. Tout était fait pour voir ces pays sous le seul angle positif. Cf. : « second retour de Chine ». BROYELLE C. / BROYELLE J. / TSCHIRHART E., Seuil, 1977. Il serait intéressant de creuser cette anti-filiation.
(****) et pourquoi pas à terme une charte voire un label.
Mai 252007