En meilleure forme après une angine-éclair je me suis organisé une sortie résolument au présent. La visite de l’extraordinaire nouvelle capitale malaise Putrajaya.
Ce n’est pas le premier pays à déplacer son centre du pouvoir politique. On se rappelle bien sûr Brasilia mais sans doute moins de Dodoma ou d’Astana(*).
Le cas de Putrajaya est un peu différent car elle n’est située qu’à 25 km de KL et n’est que le regroupement de ministères, la capitale malaisienne restant officiellement Kuala Lumpur.
La visite des travaux largement achevés se fait en bateau, car le coeur de Putrajaya est une île cernée d’un lac artificiel(**). C’est une capitale qui se présente comme un parc d’ attractions. Chaque pont représente une miniature célèbre : Ali Khojou d’Ispahan, le pont de Sydney, le Golden Gate et même notre très 1900 Alexandre III ! Les bâtiments sont souvent des pastiches : mosquée en granit rose coiffée d’un dôme d’Asie centrale, palais du premier ministre sino-moghole et un brin stalinien, résidence du sultan de Selangor hollando-malais, gigantesque palais royal moghol en guise de palais de justice, Foreign office sino-marocain, palais des congrès représentant un motif traditionnel malais… c’est gigantesque. Les bâtiments s’égrènent sur une large voie royale de près de 5 km. En gros du Chatelet à l’Arc de triomphe. Ça donne une idée de ce que représente l’administration centrale d’un État moderne de 24 millions d’habitants avec tous ces satellites (instituts, logistique…)
Qu’est ce qui a justifié un tel regroupement (congestion de KL, nouvelle dimension de l’appareil d’État…) ? Pourquoi ce site (corridor NTIC de Cyberjaya, proximité de l’aéroport international…) ? Combien cela a-t-il coûte ? Sur quels financements (Petronas…) ? Le guide qui était très fier d’avoir énuméré sans faute chaque bâtiment est plutôt mal à l’aise sur ces questions.
Pourtant je n’étais guère incisif. J’aurais pu demander comment l’expérience d’autres centralisations avaient servi au projet ? Quel bilan en tire-t-on aujourd’hui après quelques années de fonctionnement ? N’y a-t-il pas un risque à regrouper luxueusement tous les fonctionnaires centraux : rupture avec la Malaisie d’En-bas, mais aussi avec les élites économiques et intellectuelles ? Car ce ne sont pas que des bureaux mais une ville entière prévue pour plus de 300000 habitants qui est en chantier bien qu’occupée aujourd’hui à 15% seulement.
Difficile d’entamer un débat dans ce meilleur des mondes avec un guide mal préparé. Il faut s’en tenir même dans ces constructions neuves à un discours descriptif et non analytique. Je ne sais quelle fut la couverture de la presse locale sur ce sujet. Dommage, le site par la démesure de son ambition permettrait d’aborder beaucoup de problématiques. Je n’ai pas accès aux études de chercheurs sur le sujet non plus. Si j’ai le temps je me rendrais à l’Alliance Française demain. Si ce n’est déjà fait il y aurait de quoi écrire ne serait-ce que sur la relation État citoyen qu’une telle partition induit.
A ce propos j’ai réussi sans peine à compléter et signer ma déclaration d’impôts 2006 d’un cybercafé de KL, malgré l’apparition de signes mandarins à la place de nos caractères accentués. J’avais pris soin d’embarquer ma signature électronique sur une clef USB(***). Après Rivoli, Bercy peut bien s’installer en banlieue ! Mais un ministère hors de Paris ça reste un tabou… le privé qui raisonne au prix du m2 n’a pas ce genre de prévention.
(*) remplacent respectivement Dar es salam et Alma-Ata.
(**) Pour s’y rendre prendre le KLIA transit (pas l’express) jusqu’à Putrajaya-Cyberjaya (15 RM A/R). Puis bus (0,5 RM) ou taxi jusqu’à la mosquée Putra. Les bateaux sont au pied du «suq» [en malais dans le texte]. Les deux croisières proposées (bateau+gondole) se complètent (40 RM le forfait).
(***) Ça par contre c’est moins facile, il faut passer par l’export de certificats
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– Rencontré enfin des Français… mais de la Réunion ! Et oui c’est plus près que la métropole pour une escapade.
– Le gouvernement vient de proposer une augmentation générale de salaire de ses fonctionnaires. Du jamais vu depuis 15 ans. Entre 40 % pour les plus modestes à 10% pour les plus élevés.
– Et bien d’autres questions :
– la formation des hauts-fonctionnaires (ENA locale ?)
– les quotas ethniques dans la fonction publique et l’impact sur l’efficacité
– la parité homme-femme
– la maintenance de cet ensemble urbain
– coût quotidien de cette administration malaise / par habitant, par rapport à d’autres pays
– l’absence de vie très palpable sur le site (pas de piétons malgré les espaces prévus à cet effet, pas de commerces).
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Putrajaya ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2007/05/putrajaya/>