Myriam m’a fait visiter ce matin de petits ateliers de production de tempe (pâté de soja que l’on mange en fine tranche après friture) et de gropok (lamelles de peau de boeuf séchées puis cuites). Tout est produit de manière artisanale par des familles dans des conditions qui défient les règles de l’hygiène. C’était aussi l’opportunité de jeter un oeil sur un kampung urbain et populaire(**), et de mieux appréhender Jakarta.
A ce propos, un club d’expatriés(***) particulièrement motivés issus de divers horizons professionnels et internationaux ont entamé un intéressant travail de description de la capitale indonésienne qui s’apparente de très près au voyage au présent. Au travers de conférences, visites, rencontres de spécialistes ce club aborde les thèmes essentiels pour la connaissance de la plus importante mégapole d’Asie du Sud-Est. Ils ont laissé à leurs successeurs plusieurs tomes de compte-rendus qui permettent d’apprécier le champ de leur investigation qui est rarement anecdotique. Le titre – How Jakarta Works ? – est ambitieux mais porteur d’une interrogation fondamentale de nature descriptive. Comment fonctionne en effet une ville de 11 millions d’habitants d’un habitat dense et souvent précaire ?
Quelques thèmes qui ont été abordés :
- la sécurité
- l’eau potable
- l’urbanisation
- les transports
- le système de santé
- les ordures (compte-rendu)
- l’activité économique des kampung populaires
- l’éducation
Pour donner un peu de corps à ces thèmes quelques éléments intéressants tirés de cette matière :
- Concernant l’eau capsulée on découvre que Danone est largement en tête (sous l’étiquette Aqua) sur ses concurrents locaux. L’enjeu est de taille. L’eau courante (robinet) n’étant nulle part potable le marché potentiel est de 250 millions de clients !
- De l’urbanisation on voit une opposition de façade entre kota et kampung. À la différence de beaucoup de pays les quartiers riches du centre maintiennent un habitat de familles modestes qui fournissent les services de proximité (ménage, petits commerces malgré la diffusion de mall avec supermarché tels Alfa et Carrefour…). On découvre comment l’urbanisme de la ville a hérité de la mégalomanie de Sukarno puis de l’autoritarisme de Suharto.
- Côté police on montre l’organisation en secteurs, les attributions, les effectifs, les difficultés (les salaires très bas qui rendent difficiles le recrutement d’agents de qualité)
Cette démarche prouve que :
- la connaissance du présent est possible,
- l’accès aux sources (documentations, spécialistes, visites…) est non seulement possible mais même appréciée (cf. les remerciements du poste de police visité)
- le public des expatriés est certainement l’un des plus friand (et certainement exigeant) de découverte au présent puisque appelé à vivre dans ce pays.
- enfin toute cette matière bien présentée peut être passionnante et fort enrichissante.
Tout ça donne brusquement peu de crédit aux guides de voyage qui répètent à satiété qu’il n’y a rien à voir à Jakarta. Il y a à voir et surtout beaucoup à apprendre d’une mégapole qui comme ses soeurs Bangkok, Manille et Bombay ou ses cousines Kinshasa, Le Caire et Rio ne cesseront de croître dans les prochaines années au point de concentrer une partie significative des habitants de leur pays dans des conditions de plus en plus précaires si rien n’est fait. Le problème c’est que tout ça n’est pas soigneusement présenté dans un musée(****) ni très joli à voir. J’en reviens à l’importance du passeur pour organiser ce type de visite. Un voyageur non encadré ne verra ni ne comprendra pas grand chose s’il n’est pas accompagné.
(*) les lacis de petits chemins entre les maisons, la densité de l’habitat, les petits commerces partout, les puits, les canaux, les ordures…
(**) petite remarque : des comparaisons avec d’autres villes
rendraient plus riche ces exposés (ex. le poids prépondérant de quelques groupes mondiaux sur la distribution de l’eau, les stratégie d’urbanisation adoptées par d’autres villes…)
(***) affilié à l’Indonesian Heritage Society
(****) au fait un musée du présent ça pourrait ressembler à quoi ?
===== Programme et autres notes
Visité la gigantesque mosquée de Depok flambant neuve avec dôme doré et collection de styles d’emprunts moghols, mamelouks, marocains, irakiens, à l’Asie centrale… La mosquée – au milieu d’un jardin impeccable – est bien plus grande que celle d’Istiqlal en centre-ville. On se demande ce qu’elle fait perdue au milieu de Kampung semi-ruraux.