Purnama c’est la pleine lune ! Le temps s’améliore un peu. J’en profite pour me «faire» les musées entre deux ondées. Ubud, se révèle un village d’artistes, sorte de Saint-Paul de Vence des tropiques avec profusion de galeries et de musées, avec de rares chefs-d’oeuvre mais d’innombrables croûtes pour touristes, avec ses personnalités hauts-en-couleur et celles qui n’ont d’artistes que le look(*). Le musée Puri Lukisan(**) illustre assez bien les aller-retour permanents entre culture balinaise et le reste du monde qui empêchent une lecture figée de Bali. Les précieux tissus peints représentant calendriers, zodiaques et scènes mythologiques remontent à la fin du XVIIIe s. à une époque où la notion de tableau et de marché de l’art n’avait pas (encore) de sens. Fascinés par les premiers récits hollandais des artistes occidentaux vont s’installer à Bali à partir des années 30 et diffuser techniques et matériaux aux artistes locaux(***). L’Allemand Walter Spies, le Mexicain Miguel Covarrubias, le Hollandais Rudolph Bonnet ont formé les Lempad et autres peintres balinais au point de constituer presque une école. Le style qui prévaut chez les peintres de l’île c’est un pinceau naïf traçant une multitude de Balinais en tenue traditionnelle dans des rizières, des forêts luxuriantes et des temples. La thématique change parfois avec l’évocation de scènes mythologiques, de dragons et de marchand(e)s aux grand yeux. J’ai adoré la toile d’I Wayan Bendi [Polarisation (1991)]. Son paysage classique surchargé d’hommes, de temples et de végétation est truffé de touristes un oeil rivé sur le viseur de l’appareil photo.
Parmi les Européens installés à Ubud Antonio Blanco fait figure d’excentrique. Le peintre catalan qui a définitivement posé ses pinceaux en 1999 a accouché d’un musée mégalo, dont le porche du palais néo-classique n’est autre que sa signature géante(****). On y expose ses nombreux invendus. A défaut d’art il y a de l’esprit chez ce Dali de Bali, dans les petits commentaires qui accompagnent ses toiles. Le salon consacré à l’érotisme vaut le détour. En art l’hérédité n’est jamais acquise. L’unique fils né des amours du maître et de la belle danseuse balinaise peint de piètres nature-morte qu’on imagine très bien ornant les salons kitsch d’un sultan.
(*) longue tunique blanche, bouc, catogan…
(**) musée Puri Lukisan
(***) Pour une histoire détaillée lire les pages d’introduction du catalogue du musée Puri Lukisan.
(****) Blanco Renaissance Museum