Tant pis pour Lombok et ses plages de sable blanc. Puisque tout est long et compliqué pour aller de Lovina à Gili Air je termine ce séjour balinais à Amed au levant de Bali au pied du Gunung Agung qui culmine à 3142 m(*). Après tout rien ne me condamne à tout voir et à tout faire. Pour une fois voyager lentement ! J’ai été longtemps de ceux qui veulent tout consommer d’un pays en deux semaines. Les vacances marathon, la course contre la montre, le programme qui ne souffre d’aucun retard… fini pour moi. Et tant pis si je n’ai pas vu le coucher de soleil sur le Tanah Lot, si je n’ai pas gravi le Rinjani ou que sais-je encore. Il y a du plaisir et de la connaissance ailleurs que dans le patrimoine. Ces cadres étroits de ce qui faut voir (et donc ne pas voir), ce diktat des guides de voyage à quelque chose d’épuisant.
A la place, bercé par les vagues qui se brisent contre les récifs de lave noire je me suis reposé d’années de labeur et, délassé, jai trouvé le courage de lire des ouvrages ardus. J’ai repris cet après-midi la lecture de «Déchiffrer l’économie». Au chapitre sur la monnaie et le crédit Denis Clerc réfute la thèse d’une monnaie instrument qui serait neutre. Il y voit entre autres un pouvoir extraordinaire parceque masqué, voilé. «Lorsque le touriste occidental achète à bon compte le bijou fabriqué par l’artisan marocain, le rapport d’exploitation n’est pas visible ; en apparence, l’échange est égal, il a payé le prix. Mais en fait, derrière l’échange monétaire, se cachent des rapports de force qui, s’ils s’exprimaient crûment, rendraient la situation explosive.»(**)
Le credo anti-libéral qui inspire son livre – je vais résumer énormément – affirme que puisque le capitalisme est le modèle incontournable, il faut que le politique maîtrise l’économique. Par exemple que les coûts sociaux engendrés par certains produits ou comportements (pollution, mauvaise gestion sociale…) soient supportés par ceux qui en sont responsables (producteurs et consommateurs) et non par la collectivité. Selon lui c’est la meilleure façon de faire disparaître les comportements à risque pour la société. Son ouvrage est doublement éclairant. Il vulgarise les notions d’économie qui nous sont trop souvent étrangères (les entreprises, le capital, les dépenses publiques, l’OMC, la politique agricole, les marchés financiers, la mondialisation, le chômage…) et il montre à quel point ces notions ne sont pas seulement des outils techniques mais induisent volontairement ou non des choix politiques donc de société.
(*) Lovina-Amed. 9 €. Shuttle privée (non Perama). 2h30. A Amed Hotel Waenis. Splendide vue sur la crique et le volcan. 15 € ch. 5.
(**) Denis Clerc, Déchiffrer l’économie. p. 166. 16e édition. Ch. 4 la monnaie et le crédit. Je le conseille à tous.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Amed ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2007/07/amed/>