Sep 082007
 

Paris, Musée du Quai Branly (c) Yves Traynard 2007Du cabinet de curiosité, à la passion surréaliste en passant par l’étude scientifique la représentation des peuples premiers et de leurs objets a connu des heures diverses(*). Dans une lettre à Jacques Friedmann, Levi Strauss affirmait le 16 août 1996 « Un musée d’ethnographie ne peut plus, comme à cette époque, offrir une image authentique de la vie des sociétés les plus différentes de la nôtre. A quelques exceptions près qui ne dureront pas ces sociétés sont progressivement intégrées à la politique et à l’économie mondiales. Quand je revois les objets que j’ai recueillis sur le terrain entre 1935 et 1938 – et c’est aussi vrai des autres -, je sais bien que leur intérêt est devenu soit documentaire, soit aussi ou surtout esthétique. Sous le premier aspect, ils relèvent du laboratoire et de la galerie d’étude ; sous le second, du grand musée des arts et des civilisations que les musées de France appellent de leurs voeux« (**) Réduire au musée l’objet à sa dimension esthétique ? Paris, Musée du Quai Branly (c) Yves Traynard 2007En 2000, ce n’était pas l’avis de Maurice Godelier, anthropologue, directeur du projet pour l’enseignement et la recherche du Quai Branly : « Le musée que nous ouvrirons en 2004 doit présenter aussi l’Afrique, l’Océanie, l’Amérique de 2004 et non pas des cultures pétrifiées et dépassées. Sinon, on aura trahi. Nous ne traiterons pas dans ce musée de fossiles historiques. Nous traiterons de sociétés vivantes. Cela pose la question difficile de la manière de présenter les sociétés de 2004. Par des objets en plastique, par les tableaux de peintres et sculpteurs contemporains ? La seule certitude que j’aie, c’est qu’il faut que le contemporain soit présent au musée et que l’art ne peut à lui seul représenter le contemporain. Il faudra trouver les moyens d’introduire dans le musée l’histoire contemporaine des sociétés contemporaines, montrer les changements profonds des modes de vie, tout en les enracinant dans une histoire longue. »(***)
A visiter le musée en 2007 on a pour l’instant clairement échoué a présenté ces peuples dans leur présent. Les très belles vitrines relèvent du cimetière. Leur présent est hier. Certes présenter le présent d’une société n’est pas simple mais comme concluent nos auteurs du Découvertes Gallimard : «Un musée ne peut être jugé qu’en fonction de son contexte culturel. Il est le reflet de la société qui le construit et non des cultures qu’il montre.»(****) Et notre société, en France comme en voyage, préfère visiblement le passé.


(*) Lire Arts premiers : Le temps de la reconnaissance (Poche) de Marie Mauzé et Marine Degli. Découvertes Gallimard. 2000.
(**) Arts premiers : Le temps de la reconnaissance. 2e de couverture.
(***) Propos recueillis par l’historien d’art Krzysztof Pomian, Le Débat, n°108, janvier-février 2000. Cité dans Arts premiers : Le temps de la reconnaissance, p. 146.
(****) Arts premiers : Le temps de la reconnaissance, p. 127.