Sep 152007
 
Paris, 47-49 rue de Borrego (c) Yves Traynard 2007La rue saint-Blaise devenant station balnéaire, voilà le progrès.
Armand Gatti

Le programme des Journées du Patrimoine malgré la diversification de ce qu’englobe la notion de patrimoine reste très ancré au passé. Avec cette année un thème bien nombriliste : les métiers du patrimoine. Parmi les exceptions il m’a été donné de participer à deux rencontres dans mon quartier qui nous parlaient de notre présent. Deux expériences humaines propres à tisser du lien social dans la capitale dont on dit tant qu’il fait défaut.
Au 47 rue de Borrego(*), au terme d’une expérience qui remonte aux années 50, on nous affirme qu’on peut vivre heureux dans du béton. La démonstration est convaincante. Les habitantes de la villa des Hauts de Belleville, qui nous font visiter généreusement leur habitat, témoignent d’une expérience originale conduite d’une main de maître par un Jésuite. En réponse aux graves problèmes de logement de l’après-guerre, par l’intermédiaire de la société coopérative H.L.M., un architecte disciple de Le Corbusier, Claude Béraud, élabore tout un ensemble urbain comprenant : immeubles, jardin d’enfants, école, foyer de jeunes, maison de la culture, dispensaire. Qui avait-il de si révolutionnaire ? Un plan conçu avec les habitants, la participation à l’embellissement et l’entretien de l’immeuble (les « heures-castors »), un rez-de-chaussée entièrement dédié à des équipements collectifs (ateliers, salle polyvalente avec cuisine équipée), des espaces verts à partager et surtout un statut juridique étonnant. Chaque locataire disposait d’un droit d’usage cessible et transmissible en contrepartie d’une contribution au financement de la construction. Ainsi était créée une solidarité entre les coopérateurs qui se trouvaient associés à la vie de l’immeuble et à sa gestion permettant un système de rotation d’appartement entre les familles en fonction de la composition du foyer.
La Maison radieuse édifiée en 1955 sur les plans du Corbusier à Nantes était basée sur le même principe. Près de 40 000 logements ont été réalisés ainsi en location-coopérative. La loi « Chalandon » de 1971 supprima cette formule. Les coopérateurs ont du alors choisir entre l’accession classique ou un statut de locataire HLM. Mais l’esprit communautaire a survécu à la loi. On nous souffle même que les nouveaux copropriétaires sont parfois plus actifs que certains anciens. Les résidents préparent activement le 50e anniversaire de l’immeuble.
Paris, 56, rue Saint-Blaise (c) Yves Traynard 2007Toujours dans le 20ème arrondissement se visitaient des petits jardins baptisés « intersticiels » car s’insérant dans les rares espaces vacants laissés par le béton. Des jardins entretenus, gérés par les habitants du quartier. Une tendance européenne forte comme le soulignaient les intervenants d’Edinburgh, des Pays Bas,… lors du Séminaire de l’écologie urbaine qui se tenait sur place ce week-end. Mises bout à bout, complétées par des initiatives d’associations locales, les paniers des AMAP par exemple(***), ces expériences pourraient donner un circuit touristique au présent des plus intéressant : les expériences de lien social à Paris.


(*) 47-49, rue de Borrego. Une brochure éditée par les résidents est disponible sur place.
Pas de visite en dehors des journées du patrimoine. Contact : hautsdebelleville@hotmail.com
(**) 56, rue Saint-Blaise. Jardin ouvert tous les samedis après-midis à partir de 15h. Concepteur : Atelier d’Architecture Autogérée.
(***) Paniers AMAP : relation directe entre agriculteurs et consommateurs. Voir aussi Human Village.