Je reviens au passionnant débat sur l’agriculture d’aujourd’hui face au marché monde, offert lors du salon EquitExpo 2007(*)(**). Chacun sait que le coton se trouve au centre d’une véritable guerre commerciale opposant Amérique, Afrique et Asie. Représentatif du tragique déséquilibre international, ce conflit relate les enjeux économiques, sociaux et stratégiques du commerce des matières premières et permet de décrypter les mécanismes de la mondialisation. Le débat ne peut faire l’impasse d’un peu de technique.
La production
Deux grands producteurs mondiaux se partagent la production de cette plante dont il est tiré 27 millions de tonnes de fibre chaque année. La Chine produit 25% de la production mondiale, sur la base d’une petite paysannerie qui récolte à la main. Les États-Unis quant à eux en produisent 20% avec peu de main d’oeuvre grâce à une production très mécanisée sur de grandes superficies. De nombreux autres pays produisent du coton dont la culture est très répandue. En Afrique (1 million de tonne par an), les exploitations sont familiales et ne dépassent guère un hectare.
La consommation
La Chine premier consommateur de fibre de coton est aussi le premier importateur de fibre, suivie par l’Asie du Sud-Est. L’Asie importe le coton, le file et le tisse. Les produits finis sont ensuite exportés sur les marchés mondiaux. Les 3/4 de la production américaine est exportée vers l’Asie. 30% de la production mondiale de coton est OGM, non traçable car les fibres sont mélangées.
La fixation du prix du coton et les écarts de productivité
Comment se fixe le prix du coton ? A la bourse de New-York. Mais ce prix ne représente que le coton américain le seul pour lequel existe un marché à terme. Son cours est erratique, très élastique. Entre 35 et 85 cents de $ la livre (450 gr.). Les États africains ont abandonné l’achat à prix fixe à leurs producteurs. Comme tous les prix agricoles il y a, en tendance longue, une forte baisse des cours. Cette baisse est due à la mécanisation et au recours à la chimie (OGM, insecticides, engrais…). Sur le marché mondiale, celui qui fixe le cours est celui dont le prix de revient est le plus bas. Il n’est pas tenu compte de l’effort de production. Le marché est donc totalement déséquilibré en raison des écarts énormes de productivité. Il est admis que le coût de production par personne est de 1 à 170 entre entre un producteur américain et un paysan africain.
La question des subventions
Le coton subventionné américain, profite in fine à la Chine qui peut produire des vêtements à bon marché. Mais les subventions, pour totalement injuste qu’elle soit, basée sur du lobbying (25 000 producteurs américains reçoivent la même somme que 1 millions de producteurs burkinabés) n’explique pas à elles seules les déséquilibres de productivité(***). Même enlevées cela ne change pratiquement rien à l’écart de productivité. Dans ce jeu de concurrence le cours mondial du coton peu mécanisé permet à peine au paysan africain de survivre.
Quelles alternatives pour sortir de cette injustice économique ?
La fermeture des frontières, solution peu envisageable tant que le coton n’est pas transformé dans le pays qui le produit.
Introduire de manière dirigiste la filature et le tissage dans les petits pays producteurs de fibre ; mais gare aux éléphants blancs !
Produire une qualité différente de coton (bio, équitable) et le traiter dans un pays voisin : c’est la voie choisie par Equibioz(****). A condition qu’il existe un marché pour ce type de produit.
La question de l’agriculture vivrière
Le coton est une culture d’exportation. Son malaise ne joue qu’indirectement sur la souveraineté alimentaire. Mais le même processus de sous-productivité est à l’œuvre pour les cultures vivrières. On en arrive à des aberrations où le paysan africain achète du poulet français, renforçant l’exode rurale. Ici se situent les enjeux des barrières protectionnistes seules à même à protéger un marché local.
En complément un autre débat sur le riz au Laos (avec Artisans du Monde) dont je ne rédigerai pas la synthèse mais qu’on retrouvera en archive. Sengdao Vanfkeosay livre une fresque vivante du Laos, pays tampon, pauvre, développant des trésors d’intelligence pour exporter des confitures par exemple(*****).
(*) A retrouver sur la page dédiée de Radio Libertaire avec d’autres enregistrements du salon.
(**) Le marché du coton, dimanche 28 octobre de 10H30 à 12H30 dans le Magic Mirror. Avec Jean-Pierre BORIS (Journaliste de RFI), Marc DUFUMIER (Professeur à l’INAPG), Michel MARBOT (Gérant d’Equibioz, Membre de Minga).
(***) Le coton africain sinistré , Le Monde diplomatique, septembre 2003.
(****) Equibioz.
(*****) Présentation d’une filière : riz du Laos, dimanche 28 octobre de 13H00 à 14H30 dans le Magic Mirror. Animé par Jean-Baptiste CAVALIER (Artisans du Monde) avec Sengdao Vangkeosay (producteur du Laos).
Egalement : Pas d’équité sans souveraineté alimentaire ? Le samedi 27 octobre de 11h à 13h dans la Salle 1. Pour que le commerce équitable ne crée pas de nouvelles formes de dépendances, il est urgent de repenser la question de la souveraineté alimentaire. Si les producteurs sont amenés à abandonner leurs cultures vivrières et à favoriser le rendement maximal, alors la biodiversité et l’autonomie alimentaire là bas, mais aussi ici, pourraient être menacées. 40 000 paysans disparaissent chaque année en France. Près de 40 % d’entre eux ont un revenu inférieur aux minima sociaux. La concentration des moyens de productions ne fait-elle pas peser une menace sur notre accès à l’alimentation de base malgré une apparente opulence ? Déjà les prix flambent : blé, maïs, lait, miel… Les régions françaises sont-elles auto-suffisantes pour nourrir leur population ? Avec Emmanuel Bailly, ingénieur, Geneviève Savigny, Secrétaire générale de la Confédération paysanne et Jacques Maret, agriculteur, nous analyserons ces nouveaux modes de dépendance alimentaire.
Avec les Intervenants : Emmanuel BAILLY (Ingénieur ENSIL en Eau et Environnement) Geneviève SAVIGNY (Secrétaire générale de la Confédération paysanne) Jacques MARET (Agriculteur)