Cette fois le circuit commence vraiment. Direction Ankara. On enjambe le Bosphore. Le guide insiste. Ici se trouve la frontière entre Orient et Occident. Entre Europe et Asie géographiques sans doute par définition, mais Orient et Occident… les Balkans sont passés à l’Occident et les mots ont pris du sens ces dernières années.
En route le guide présente sa Turquie région par région. Économie, agricultures, peuplement. A force de parler de frontière on en vient rapidement à parler de l’Europe. Le guide nous apprend que les Turcs ne seraient pas pour entrer dans l’Europe. Tiens donc, mais alors cette candidature? Politique. Avis personnel ou sentiment partagé ? Le guide y voit un danger pour l’agriculture mais trouve intéressante la démarche d’adhésion. Elle oblige la Turquie à s’améliorer, à se réformer pour répondre aux critères de Maastricht. Il cite l’allongement de la scolarité obligatoire… Les Islamistes ne sont pas la tasse de thé de cet ancien étudiant de gauche, qui boit volontiers sa bière à table. Mais il reconnait honnêtement que ça va mieux socialement depuis qu’ils sont au pouvoir.
Au fur et à mesure que l’on parle des sujets d’actualité (et sur ce sujet les voyageurs s’animent plus qu’à Topkapi et à la Mosquée bleue où aucune question historique ou architecturale n’a perçée), le guide présente son point de vue (en le précisant néanmoins). Je me rends compte que tous ces thèmes ne sont pas au fameux « programme ». Il n’y est question que de monuments et pourtant tout le monde en redemande. « Et cette banlieue que l’on traverse qui l’habite, combien ça coute un appartement, et votre président il est élu ? » Je me retiens bien évidemment de poser la moindre question, pour ne pas influencer mon panel, ce qui me rend presque suspect ! Mais je ne suis pas mécontent de ce constat. L’offre est-elle vraiment en adéquation avec la demande. Le guide est-il préparé à répondre à ces questions hors-sujet ?
Nous arrivons à Ankara. Le temps de faire une halte express devant le mausolée de Moustapha Kemal, nous filons visiter le prestigieux musée des Civilisations anatoliennes avant qu’il ne ferme. Notre cicérone passe le relais à un guide patenté qui nous fait une visite express tout en humour et jeu de mots, sentant bien que nous ne sommes pas des archéologues. Ce qui me permet de découvrir certains détails coquins que je n’avais pas remarqué il y a trois ans. Et puis on ne fait pas attendre une délégation omanaise… A notre sortie il fait déjà nuit. Au dîner dans cet hôtel au chambres qui font la taille de mon appartement, je suis à table avec le couple d’Oranais et V. Deux parcours de migration totalement différents. M. est venu en 1962 travailler dans le bâtiment où il fera toute sa carrière au sein de ce qui s’appelle aujourd’hui Vinci. Il épouse sa femme quelques années après son arrivée, une cousine de sa région natale. Elle finit par le rejoindre. Ils feront leur vie en France dans le 93 évidemment. 42 ans de mariage et toujours la même tendresse nous dit-elle. Elle est intarissable sur son pays d’origine, les traditions. T. lui est arrivé du Vietnam à l’âge de 4 ans dans des conditions dramatiques comme tant d’autres boat-people. Je sens que mes questions le gênent. Il voudrait ne plus parler de migration, ne plus être considéré comme migrant. S’intégrer à tout prix, ne pas faire de bruit.
Mamies et papys commentent leur prescriptions de médicaments, grinchent sur une salade pas servie, s’embrouillent dans la monnaie… I faut dire qu’ accepter l’euro les commerçants n’aident pas vraiment leurs clients. Ils rendent la monnaie en livre turques. Les clans se forment. En ville, profitant toujours du quartier libre, nous aurons la surprise de faire connaissance avec des Turcs adorables : épicier, cafetiers et leurs clients… On nous offre des loukoums à la rose. Faut dire qu’à Ankara, en hiver, les touristes sont rares. Le voyage en groupe n’interdit visiblement pas la rencontre.
PROGRAMME
Istanbul- Ankara
Visite du musée des Civilisations anatoliennes.
Hôtel Akyüz (dîner et nuit)