Il y a des films dont la densité dispense de conclusion. De Faro, la Reine des Eaux(*), projeté hier en avant-première dans le cadre d’Africamania on oubliera le double happy end précipité(**) . On ne retiendra pas forcément non plus le réquisitoire contre l’obscurantisme qui frappe les enfants adultérins dans certaines communautés africaines (que faire en effet d’une telle dénonciation dans notre quotidien occidental ?) pour approcher une problématique plus universelle, que la description quasi-ethnographique du film illustre parfaitement. Les sociétés traditionnelles, loin d’être ces paradis rousseauistes d’hommes bons que nous vantent les brochures touristiques ne sont ni plus ni moins des sociétés humaines comme les autres. Avec leurs qualités et leurs tares. Les belles légendes et traditions qui flirtent avec le sacré et que l’on regarde émerveillés peuvent se révéler des instruments de domination et de reproduction d’inégalités. Et lorsque le modernisme s’invite au débat les équilibres ancestraux vacillent et ces sociétés doivent se réinventer pour survivre. La force du film revient non seulement à la qualité du réalisateur… mais aussi à son origine. Salif Traoré, le réalisateur malien, sait de quoi il parle. On n’est pas dans la dénonciation facile et imbécile, mais dans la compréhension des tensions à l’oeuvre dans les transformations sociales partout dans le monde. Une compréhension préalable à toute action, une compréhension qui seule peut faire évoluer durablement les consciences là-bas comme ici. Un film clef à voir avant de voguer sur les eaux du Niger.
(**) Avant-première. Faro, La Reine des Eaux, Salif Traoré. Allemagne, Burkina Faso, Canada, France, Mali – 2007 – 96’. Avec Sotigui Kouyaté, Balla Habib Dembélé, Maimouna Hélène Diarra, Djénéba Koné. Lire la fiche descriptive de Faro, la reine des Eaux, aux éditions Boreals. Zanga qui est un enfant adultérin retourne dans son village plusieurs années après avoir été chassé, pour découvrir qui est son père. Son arrivée coïncide avec les brusques mouvements de Faro, l’esprit du fleuve. Ces manifestations sont interprétées comme un signe de colère lié à l’arrivée du bâtard. Le film amène à découvrir sous la forme d’une chronique villageoise, une Afrique rurale confrontée à ses mutations.
(**) Africamania, 17 janvier au 17 mars, Cinémathèque française. « Il s’agira de retracer au travers de 80 films 50 ans du cinéma africain, d’en retrouver les grands auteurs (Sembene Ousmane, Désiré Ecaré, Souleymane Cissé, Idrissa Ouedraogo, Gaston Kaboré et bien d’autres…) et d’affirmer l’originalité et la puissance d’un continent cinématographique.«