Impatience, goût mondain, appétit de vivre le monde à sa création… on se demande parfois ce qui déplace les foules aux avant-premières. D’autant que ces litanies de « remerciements chaleureux », « sans qui le film n’aurait pu voir le jour » et autres « qui aurait aimé être parmi nous » sont plutôt conventionnelles. Chantal Ackermann nous a donné ce soir un début de réponse puisque cette avant-première de l’Etat du monde(*) nous a permis de lui dire tout net ce qu’on pensait de son travail. Nul ! Hou, hou, hou ! Nous infliger un quart d’heure de plan immobile sur les immeubles de Shanghai la nuit, c’est quand même dépasser les bornes. Je pense que sauf à considérer son public comme niais, et désolé pour Télérama, il ne fallait pas bien long pour comprendre le sens de cette séquence : la société d’image, la consommation, la mondialisation, le rôle focal de Shanghai… Ce qui aurait pu être une installation conceptuelle dans une FRAC vire en salle à la fumisterie. Surtout comparé à la richesse des autres moments qui composaient ce patchwork de 6 mini-films réunis sous le titre O Estado do Mundo. Un titre sans doute ambitieux, pour un projet portugais homonyme de la Fondation Calouste Gulbenkian destiné à réfléchir sur ce qu’est le monde en ce début du XXIe s(**). Certains réalisateurs se sont heureusement très bien acquittés de l’exercice. Je pense à One way de l’indienne Ayisha Abraham courte mais très sensible allégorie de l’immigration, Brutality factory du chinois Wang Bing sur la violence politique et surtout au très construit Germano fable terrible sur les changements d’échelle économique.
(*) L’état du monde, sortie 20 février 2008, 1h 45. Séquences : «Luminous people» de Apichatpong Weerasethakul, «Germano» de Vicente Ferraz, «One way» de Ayisha Abraham , «Brutality factory» de Wang Bing , «Tarrafal» de Pedro Costa, «Tombée de nuit sur Shanghaï» de Chantal Akerman : sur un projet initié par la Fondation Calouste Gulbenkian, six réalisateurs donnent leur vision de l’état du monde.
(**) Forum de la fondation portuguaise Calouste Gulbenkian O Estado do Mundo