C’est une carte postale sans soin, sans art, sans cadrage ni mise au point… comme on en trouve des stocks dépréciés dans ses villes comme Port-Saïd qu’un jour les touristes ont décidé de bouder. Sans doute une des plus expressives aussi, des plus justes. L’expression d’un souk qui bute contre un immeuble moderne mais qui veut sauver la face. Et pour ça il joue la profusion, l’or et la lumière, ces symboles sans quoi il n’est de mythe d’Orient. Notre regard fixe ensuite très vite ces quatre touristes, étrangers et si naturels à la fois. On s’y reconnaît. Elle, raconte sa dernière acquisition de voyage. C’était à Istanbul, il y a juste six mois. Un plateau grand « comme ça ! » qui va si bien dans le salon. Son amie l’écoute polie. Jouera-t-elle la surenchère pour exister ? Derrière, monsieur évalue les objets, un peu en retrait, comme au musée. Soupçonneux, presque craintif, les mains dans les poches, l’appareil photo en suspension comme le badge d’un jeune voyageur accompagné. Il fixe une marquèterie, vaguement Empire. Que lui dit-elle ? Dans un instant un jeune Egyptien pressé, va l’arracher à sa contemplation. Déjà ils auront dépassé l’huis de cette «caverne d’Ali Baba». Ils poursuivront, ils ne s’arrêteront pas, c’est sûr. Ils passeront même le photographe forcément hors champ et cet autre Egyptien qui se tient à sa gauche à la toque fourrée, souvenir déchu d’une coopération soviétique. En quelques mètres que de temps, d’espaces, de styles, d’univers et de nostalgies.
(*) Carte postale « Le Bazar Khan el–Khalili du Caire. »
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Une carte postale à Port Saïd ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2008/05/une-carte-postale-a-port-said/>