Juin 062008
 

Pour illustrer le thème du jour L’image au service de l’engagement, le festival Autres Brésils proposait ce soir une carte blanche au Kinoforum(*). Cette association culturelle anime (entre autres) depuis 6 ans des ateliers de réalisation vidéo au quartier “Jardim Angela” (une favela de São Paulo), permettant à des jeunes de filmer leur communauté. Cette zone est marquée par le trafic de drogue mais le quartier peut être vu de façon positive, c’est le message des jeunes participants aux ateliers. Les films présentés ce soir traitaient de la TV (débat sur ce qu’on y montre, réalités, imaginaires et complaisance du regard), des filles-mères condamnées à assumer, des femmes de prisonnier, de l’habitat et des conditions de vie des banlieues, du train et de ses cireurs de chaussure. Dans cette production(**) on remarque d’emblée l’acuité du regard de ces cinéastes amateurs, une capacité à se voir comme acteur de son monde et à exprimer, décrire son univers. L’extrême maturité de gens qui ont quelque chose à dire.
Avec Jardim Ângela nous avons assisté au making-off d’un de ces petits films. Comment ils sont fabriqués sur trois week-end seulement où chacun doit apprendre à écrire un récit, manier une camera, jouer. Il y a un moment très fort dans ce reportage, un basculement, lorsque la réalisatrice s’aperçoit que son film n’est pas ce qu’il devrait être, que le message de violence véhiculé (le fils qui tue son père alcoolique parce qu’il bat sa mère) n’est pas supportable, ne sert à rien. S’en suit un débat entre le jeune acteur qui joue le fils justicier dont on sait que la violence a été toute son enfance et qui tire une jouissance à l’exprimer et cette fille qui souhaite que son film offre un espoir. La prise de parole devient alors échange, débat, prise de pouvoir.
Kinoforum et d’autres acteurs sociaux se battent pour que ces films soient diffusés pour changer le regard des Brésiliens, en particulier celui de la classe moyenne qui selon des préjugés bien ancrés tient pour monstruosité les favelas et monstres ses habitants. Car dans ce pays de 184 millions d’habitants où la télévision tient lieu de culture nationale, le monopole télévisuel de quelques familles empêche toute représentation réelle des periferia des villes.
Pour un public étranger, ces films devraient certainement trouver leur place dans la médiathèque de tout voyageur se rendant au Brésil. Ils montrent le Brésil dans l’oeil des Brésiliens.


(*) Kinoforum de nombreux films sont disponibles sur le site de Kinooikos (en portugais). On notera l’importance du rap dans ces productions (cf. par ex. A valeva é assim)
(**) Programme de la soirée – Films
Télé-visions [Tele Visões], de L. Oliveira, N. Gouvêa, T. de Brito, 14’, 2003, VOSTFr
La vie sur pilotis [Armando o Barraco], de R. Valadares, D. Barreto, F. Oliveira, A. Freitas, G. Dantas, F. Dantas, 7’, 2003, VOSTFr
En gestation [Gestando], de F. Mendes, F. Felix, M. B. Dos Santos, E. Borges, E. Almeida, M. Silva, 6’, 2003, VOSTFr
Ici, dehors [Aqui Fora], de C. Nunes, J. C. Penha, 8’, 2004, VOSTFr
Les enfants du train [Filhos do trem], de F. Benichio, M. Domingues, R. Silva, L. Rodrigues, 5’, 2005, VOSTFr
La face B de la banlieue [O lado B da periferia], de A. R. da Conceiçao, B. V. do Nascimiento, F. Reite da Silva, J. Sousa Guedes, J. Saraiva, 5’, 2005, VOSTFr
Jardim Ângela, de Evaldo Mocarzel, 71’, 2007, VOSTFr
Programme de la soirée – Débat
Les images ont envahi notre monde. Elles ont des implications esthétiques autant que sociales sur la réalité et sur nos modes de vie. Face à cette donne, il faut mettre en oeuvre des apprentissages permettant de mieux aborder les enjeux fondamentaux de nos sociétés, et des espaces de dialogue sur la production et la diffusion de l’image.
Intervenants : Luciano Oliveira (Kinoforum) ; Claudie Le Bissonais (ARCADI – Passeurs d’Images) ; Cacau Amaral (Collectif Mate com Angu), Modératrice : Erika Campelo (Autres Brésils)