En conclusion d’un tout nouveau dossier de Sciences humaines sur l’ascension de l’Occident(*), le sociologue et historien américain Immanuel Wallerstein(**) estime ni plus ni moins que les idées occidentales ou idéologiques ont fait leur temps.
Selon lui l’universalisme – dont tout le monde se réclame – n’a rien d’universel, il n’est qu’une « rhétorique du pouvoir« , un « point de vue propre à justifier la domination que l’Occident, ou le monde paneuropéen, exerce depuis quatre ou cinq siècles sur le système-monde« , au mieux il est un universalisme occidental. Lorsqu’il cite la colonisation on serait tenté d’acquiescer. Mais lorsqu’il tire une filiation entre la colonisation et la diffusion d’idées universelles telles que la démocratie et les droits humains, on est moins à l’aise. C’est qu’il touche là à des valeurs, à nos valeurs. Lisons plus loin « le droit d’ingérence repose sur les mêmes arguments de base ; on parle du devoir des civilisés du monde moderne à intervenir dans les zones non civilisées, pour mettre fin à des pratiques qui violent des valeurs présentées comme universelles, pour défendre des innocents face à la cruauté des autres et pour faciliter la diffusion d’idées universelles. »
Les exemples récents ne manquent pas où l’ingérence occidentale (sous prétexte de valeurs universelles) est en marche ou a été sérieusement envisagée : Irak, Afghanistan, Somalie, Chine, Corée du nord, Iran, Syrie, Birmanie.
Immanuel Wallerstein affirme par ailleurs que le capitalisme fait face à une crise structurelle frappée par les limites de l’accumulation du capital renforcé par le développement de la Chine et de l’Inde. Deux voies se présenteraient : de nouvelles formes d’exploitation peut-être plus violentes que le capitalisme ou une autre voie « plus égalitaire et démocratique qui irait de pair avec un universalisme universel, valeurs issues de multiples universalismes locaux. Des valeurs qui restent à définir et devront réellement être au service du bien commun« .
Dans ce discours aux accents altermondialiste, la démocratie malmenée précédemment réapparait comme moyen, à l’échelle mondiale, de définir des valeurs communes dont une d’entre-elle serait l’égalité. Dans ce relativisme culturel, le siècle des Lumières n’est pas complètement enterré !
(*) Sciences Humaines, Grands Dossiers n°12. Le second dossier de la revue est consacré au malaise au travail. Quête de sens, reconnaissance, stress, motivation, désorganisation… cadres et employés des grandes entreprises s’y reconnaitront !
(**) Immanuel Wallerstein, auteur de L’Universalisme européen. De la colonisation au droit d’ingérence.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « L’universalisme selon Wallerstein ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2008/08/luniversalisme-selon-wallerstein/>