“Ce qu’il s’agit d’interroger, c’est la brique, le béton, le verre, nos manières de table, nos ustensiles, nos outils, nos emplois du temps, nos rythmes.”
Samedi après-midi, visite patrimoniale au cœur d’un Paris qui s’élabore : la ZAC Paris Rive Gauche(*) qui serait la plus grande opération urbanistique depuis Haussmann. La ZAC s’étend de la Gare d’Austerlitz au boulevard Masséna, épousant la Seine d’un côté et bordant la rue du Chevaleret de l’autre, un espace gagné sur les vestiges d’un XXe s. industriel exténué. « Le problème, c’est que nous serons en face du top du top de ce que la France peut faire, que la documentation est énorme, que le débat public y est intense, que les résidents sont tous sensibles et raffinés. » précisait l’invitation à la visite guidée. « La ZAC est déjà un territoire touristique pour les cultivés du contemporain. Alors comment visiter ce putain de quartier ? L’idée, c’est de compléter l’existant en se donnant le droit de dire ce que les institutions ne peuvent pas se permettre. On n’aura de compte à rendre à personne, nous rirons des puissants et admirerons les impensés. La poésie viendra de l’errance, de comment regarder sans adhérer à la machine constructive, de l’état de désœuvrement comme vérité du touriste moderne« (**) poursuivait le manifeste. Du reste rassemblés derrière notre (tour-)leader commentant la visite au porte-voix nous avions plus l’air de manifestants que de pacifiques touristes. Denis Moreau(***) officia donc de Halle aux farines en Grands moulins, passant d’un immeuble de l’Opac (pardon de Paris Habitat son nouveau nom) au siège d’une entreprise, saluant au passage les irréductibles des Frigos, détaillant les années, les architectes et leurs « écoles », signalant les partis pris de la Ville de Paris et de Christian de Portzamparc coordinateur de ce catalogue d’architecture contemporaine. Il soulignait au passage, toujours dans une subjectivité revendiquée, les enjeux économiques d’un tel projet. Mais le public on le sait en veut toujours plus. En éternel insatisfait il questionne : qui habite là, quel est le prix au m², et les enfants on en fait quoi, les commerces et l’architecture durable là-dedans… pimentant un peu plus cette visite d’une rare pugnacité et assez éloignée de ce que produirait la SEMAPA sur le même thème. Et moi je me frottais discrètement les mains que l’on puisse faire, lors d’une journée du patrimoine, du tourisme du Réel sans le savoir !
(*) Paris Rive gauche. Le site grand-public animé par la Semapa, la Société d’économie mixte d’aménagement de Paris en charge du projet.
(**) Balade « Ils œuvrent et nous désœuvrons » proposée par Bétonsalon dans le cadre du festival Playtime.
(***) Denis Moreau est promeneur architecte, auteur de banlieuedeparis.org.