(*) Les Écrans documentaires. Edition 2008 des Écrans Documentaires du 28 octobre au 2 novembre 2008. Arcueil.
(**) Cabinet d’essai et de curiosité
Under construction, par Zhenchen Liu, (2007 – 10′ – Le Fresnoy – France)
Pour suivre la planification actuelle du gouvernement et des promoteurs immobiliers de Shangaï, chaque année presque 100 000 familles sont obligées de déménager parce que leur maison est détruite. Composé de photos animées avec des vidéos documentaires, Under Construction propose un plan-séquence à travers la destruction d’un quartier de Shangaï…
Amsterdam reconstruction, Jérôme Schlomoff, (2007 – 19′ – FILMBANK – Pays-Bas)
Un portrait d’Amsterdam à travers la visite des chantiers de reconstruction du cinéma de la Maison Descartes ; du Rijks Museum ; du Stedelijk Museum ; du W139. Cette visite se confronte à une vision poétique des espaces urbains, publics & privés, de la ville et de ces environs. Ces deux visions sont intimement liées l’une à l’autre par les éléments poétiques communs qui se dégagent de cette mystérieuse balade, dans une ville en reconstruction.
Cohabitations, Clément Cogitore, (2008 – 11′ – Le Fresnoy)
Triptyque vidéo.
« En ces temps là, il était dans l’ordre des choses que des hommes en armes viennent frapper aux portes d’un certain nombre de familles, leur demander un certain nombre de papiers et renvoyer ainsi que le stipulait la loi celles qui ne pouvaient les présenter dans les territoires dont elles étaient issues. »
A partir de rondes rituelles mêlant hommes et machines, « cohabitations » rassemble, à la manière d’un retable, trois tableaux nocturnes où se dessinent les contours d’un monde en état de siège et parcouru par ses propres fantômes.
Substance nord, Christine Gabory, Agathe Dreyfus et Ivora Cusak, (2008 – 20′ – 360° et même plus – France)
Substance Nord est une dérive urbaine, une déambulation photographique et filmique en Europe du Nord et principalement autour de deux villes : Anvers (Belgique), capitale mondiale du diamant, deuxième port européen et Francfort (Allemagne) première place boursière européenne, qui accueille la plus grande foire mondiale du design et du commerce.
Ce film a été réalisé dans deux régions éloignées ayant en commun le fait de se situer toutes les deux à la frontière entre trois pays. L’une est arctique (frontière « nord »: Finlande, Suède et Norvège), l’autre tropicale (frontière « sud »: Argentine, Brésil et Paraguay).
Ce film explore les différents points de contact entre ces lieux historiquement et géographiquement isolés qui sont actuellement en pleine mutation.
(***) Sélection courts
Kempinski, Neil Beloufa, (2007 – 14′ – France/Mali)
Bienvenu à Kempinski. Les habitants de ce lieu mystique et animiste nous le présentent. Ce documentaire de science-fiction n’a pas de scripte et son scénario est causé par une règle du jeu spécifique.Les interviewés imaginent le futur et en parlent au présent. L’aspect séduisant de la vidéo mène vers des stéréotypes exotiques et une lecture fictive de ce vrai documentaire d’anticipation. Kempinski est par ailleurs un groupe hôtelier. Le montage est mélodique et hypnotique. Tourné à Mopti au Mali
Nuages apportant la nuit, Stéphane Breton, (2007 – 30′ – Les Films d’ici – France)
Un homme marche, ou alors au contraire, c’est moi qui marche. Est-ce le jour ou bien la nuit ? Aucune idée. On dirait une forêt obscure et froide. Une forêt, vraiment ? Et où cela ? Ou plutôt, moi, où suis-je ? Et eux, qu’est-ce qu’ils font là ? Ça ressemble comme deux gouttes d’eau à un pays lointain. Lequel ? Celui qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un rêve que je suis en train de faire. Ah bon. Me voilà donc parti à la recherche de la barbaque. De la barbaque ? Oui. Quelqu’un marche, et c’est moi, et la route est longue, et la nuit tombe.
Die Vögelein schweigen im Walde (Dans la forêt se taisent les oiseaux), Tim de Keersmaecker, (2007 – 18′ – Belgique)
Un gardien de nuit profite ses temps morts pour exercer sa passion: la chasse. Mais la nature peut se montrer farouche et imprévisible…Un film sur la solitude, la soif de pouvoir, et sur notre quête de sens de l’existence.
D’assez courtes unités de temps, Boris Nicot, (2008 – 40′ – L’asyndète – France)
5 lieux filmés, 5 sites dont il n’est pas sûr qu’ils parviennent à former paysage, même à faire territoire. Néanmoins ils sont issus d’une géographie : la région de Marseille en France. Ces 5 instants, traversés par des états de la matière qui méritent l’attention, donnent lieu à quelques traces marginales de la production humaine, aussi à certaines occurrences de la condition animale. Sans doute les réunir et les faire jouer ensemble dans ce document est une manière de les ranger dans la catégorie des produits et spectacles, de les situer, comme la chapelle Sixtine, le presse ail ou la fusée Ariane, sur l’étagère hégélienne des grandes réalisations de l’esprit.
(****) Parents, Christophe Hermans, (2008 – 70′ – Ambiances…asbl – Wallonie Image Production – Belgique)
Dans un village de Dordogne, Alain et Richard accueillent dans leur maison trois personnes âgées. Une alternative séduisante aux maisons de retraite traditionnelles. Avec des gestes proches de ceux d’un père, Alain et Richard accompagnent des mois, des années durant, les pensionnaires dans leur fin de vie. Ils forment une famille.
Tout le monde l’ignore aujourd’hui mais les deux hommes ont décidé de vendre leur maison pour s’installer aux Antilles…
(*****) Exils
Mirages, Olivier Dury, (2008 – 46′ – L’oeil sauvage – France).
Chaque jour, à mille lieues d’ici, des dizaines d’hommes porteurs d’un espoir inouï s’en vont, désireux d’atteindre l’Europe. Durant les premiers jours de leur traversée entre Agadez et Djanet, entre Niger et Algérie, les émigrants doivent affronter le temps du désert, ses stases, ses accélérations foudroyantes, son immobilité minérale. Cette épreuve qui les traverse fait d’eux des sans-papiers. C’est durant ce trajet que le film les singularise, les détourne un instant de l’invisibilité qui les attend.
Bab Sebta, Pedro Pinho et Frederico Lobo, (2008 – 110′ – Patê Filmes – Gil & Miller – Portugal)
Bab Sebta signifie en arabe la porte de Ceuta et c’est le nom du passage situé à la frontière entre le Maroc et Ceuta. C’est l’endroit vers lequel convergent tous ceux qui, venus de différentes régions d’Afrique, cherchent à immigrer en Europe. Le film Bab Sebta parcourt quatre villes à la rencontre des rituels d’attente et des voix de ces voyageurs.
Oct 312008
Modeste moisson parmi les documentaires présentés à Arcueil dans le cadre du festival Écrans documentaires(*).
La première partie de l’après-midi fut suivie par un public plus que clairsemé. Faut dire qu’elle était consacrée à d’étranges objets cinématographiques tirés d’un Cabinet d’essai et de curiosité peu engageant(**). Une avant-garde qui prend la ville et ses non lieux comme décor (usines, ports, chantiers, entrepôts, frontières) et fait débauche de techniques offertes par le numérique : juxtaposition de récits (format diptyque, triptyque voire quadriptyque), surimpression, accéléré, flouté, filé, recours fréquent au noir et blanc. Un exercice artistique qui peine à trouver un autre sens que celui de déjouer les conventions. Ces œuvres sont peut-être au cinéma ce que la poésie est à la littérature. Un champ d’expérimentation du sensible et des possibles.
La sélection court(***) partait un peu dans le même direction et ça devenait ennuyeux. Elle fut sauvée par l’intense Nuages apportant la pluie, au commentaire littéraire façon Arnaud Despallières dans Disneyland, mon vieux pays natal. Dans ce « diaporama » en noir et blanc Stéphane Breton se joue du documentaire ethnographique. A partir de photographies des Wodani de Nouvelle-Guinée soigneusement polies pour un graphisme d’une extrême unité, son texte entraine le spectateur vers un voyage aux antipodes de l’exotisme. Une étrange quête de barbaque où l’ethnologue nous glisse par deux fois ce profond conseil : « de voyage ne ramène pas trop d’oiseaux morts.«
Les parents(****) était sans doute le plus beau cadeau de cette journée. Comparées aux maisons de retraite, les maisons d’accueil sont un peu les chambres d’hôtes de l’hôtellerie. Un espace d’attention, d’humanité, de respect, d’écoute. A la patience d’un tournage de plusieurs années, Christophe Hermans réussit le difficile pari d’exposer le corps vieillissant, la perte de mémoire, la dépendance et l’attention extrême portée par ce couple d’hommes à leurs trois pensionnaires âgées. Des gardes-malades devenus enfants de substitution souvent tendres, parfois cyniques face à l’inexorable sénescence. Un film qui renvoie le spectateur à la fois à ses propres parents et, par un retournement dramatique inattendu, à sa propre vieillesse.
La fin de la soirée, parrainée par le Conseil Général du Val de Marne, proposait de faire un bout de chemin en compagnie de migrants africains en route pour l’Europe en deux documentaires de facture plus classique : Mirages et Bab Sebta(*****). Le parti pris de Mirages, filmer les « caravanes » de migrants à travers le désert entre Agadez et la frontière algérienne, se révélait vite frustrant. Pas de portraits, pas de témoignages, pas de commentaires. Un desert track movie dont on convient aisément de la difficulté technique mais qui manque d’inspiration, de souffle. La quête de seuil de visibilité, de moments de dilatation dont parla le producteur à l’issue de la projection parait bien futile au regard des enjeux humains, même si cette traversée, cette première ‘mer’ que constitue le Sahara, n’est finalement pas l’étape la plus dangereuse qui attend le migrant d’Afrique noire. Justement, Bab Sebta débute là où s’achève Mirages et fournit des clefs autrement précieuses. Parvenus aux rivages de la Méditerranée, nos migrants butent inexorablement sur ce barrage que nous avons dressé entre le Nord et le Sud. De Ceuta, désormais infranchissable, on suit ces Africains, persona non grata au Maroc qui ont rompu parfois depuis plusieurs années avec leur terre natale, à la recherche d’autres lézardes, d’autres accès à l’eldorado, de Tanger jusqu’à Nouakchott. Des itinéraires où le migrant risque à tout moment le refoulement et la mort mais dont la parole recueillie démontre qu’aucun barrage ne contrariera définitivement le cours.