Jan 182009
Pascal Meunier vient de signer un splendide ouvrage consacré aux hammams du Caire(*).
Lorsque j’ai croisé ce photographe – au pied de la citadelle d’Alep en 96 – il traquait déjà les hammams de son objectif averti. Où qu’ils soient. Peut-être parce que ce lieu, son histoire, sa pratique, son devenir sont emblématiques du monde arabo-musulman dont notre photographe est devenu l’un des reporters-voyage incontournables.
Le hammam c’est bien sûr la figure de la tradition dans l’Islam méditerranéen. Repère de toute médina qui se respecte, il permet la purification exigée par la pratique religieuse. La mosquée n’est jamais loin du bain. Le hammam traduit aussi l’importance de la séparation des sexes dans l’espace public, le plaisir du corps, l’homosensualité, les âges de la vie, la fascination pour l’eau vive dans des contrées arides… Tout cela les textes d’Eve Gandossi et de May Telmissany l’évoquent avec poésie.
Mais le hammam ne renvoie pas qu’à un passé obsolète. Son déclin lui-même dit les profondes mutations des temps présents, les coups de boutoir de la modernité. En un quart de siècle, salles de bains carrelées des appartements, développement anarchique des banlieues au mépris des centres historiques, spéculation immobilière, censure des mœurs et évolution du rapport au corps ont condamné inexorablement le hammam.
Premier paradoxe. Si la montée du religieux a profité à la mosquée – qu’il s’en est construit en 30 ans ! – ce retour très sélectif à la tradition a porté le coup de grâce aux «bains turcs». Désertés en Turquie, en Iran, presque infamants en Égypte, il reste d’eux ces carcasses décrépites, monumentales ou intimes d’où se dégage cette nostalgie que communiquent les images de Pascal Meunier. Peut-être parce que ces bains agonisants nous renvoient à nos vieux cafés de villages, nos fermes d’avant « le rustique », à notre propre nostalgie.
Justement, autre paradoxe. Alors que son usage connaît une triste fortune en terre d’Islam le hammam s’exporte très bien. Porté pêle-mêle par la culture touristique, l’attention nouvelle pour le corps, la zen’attitude, l’appétit pour l’ailleurs le hammam fleurit partout en Occident. De culture populaire traditionnelle le hammam est devenu luxe exotique. Et si d’Istanbul à Marrakech les plus prestigieux renaissent c’est qu’ils se dédient presque exclusivement aux touristes !
Y aura-t-il un retour aux sources comme avec le narghilé que jeunes Turcs, Syriens, Libanais ou Jordaniens se sont réappropriés après sa vogue européenne et avant son inique condamnation hygiéniste ? Ce ne serait que justice. Il y a urgence à sauver ce qui peut l’être encore de ce patrimoine architectural. Ce livre raffiné et sa judicieuse édition en langue anglaise publiée par l’American University of Cairo devraient participer à une prise de conscience locale.
Lorsque j’ai croisé ce photographe – au pied de la citadelle d’Alep en 96 – il traquait déjà les hammams de son objectif averti. Où qu’ils soient. Peut-être parce que ce lieu, son histoire, sa pratique, son devenir sont emblématiques du monde arabo-musulman dont notre photographe est devenu l’un des reporters-voyage incontournables.
Le hammam c’est bien sûr la figure de la tradition dans l’Islam méditerranéen. Repère de toute médina qui se respecte, il permet la purification exigée par la pratique religieuse. La mosquée n’est jamais loin du bain. Le hammam traduit aussi l’importance de la séparation des sexes dans l’espace public, le plaisir du corps, l’homosensualité, les âges de la vie, la fascination pour l’eau vive dans des contrées arides… Tout cela les textes d’Eve Gandossi et de May Telmissany l’évoquent avec poésie.
Mais le hammam ne renvoie pas qu’à un passé obsolète. Son déclin lui-même dit les profondes mutations des temps présents, les coups de boutoir de la modernité. En un quart de siècle, salles de bains carrelées des appartements, développement anarchique des banlieues au mépris des centres historiques, spéculation immobilière, censure des mœurs et évolution du rapport au corps ont condamné inexorablement le hammam.
Premier paradoxe. Si la montée du religieux a profité à la mosquée – qu’il s’en est construit en 30 ans ! – ce retour très sélectif à la tradition a porté le coup de grâce aux «bains turcs». Désertés en Turquie, en Iran, presque infamants en Égypte, il reste d’eux ces carcasses décrépites, monumentales ou intimes d’où se dégage cette nostalgie que communiquent les images de Pascal Meunier. Peut-être parce que ces bains agonisants nous renvoient à nos vieux cafés de villages, nos fermes d’avant « le rustique », à notre propre nostalgie.
Justement, autre paradoxe. Alors que son usage connaît une triste fortune en terre d’Islam le hammam s’exporte très bien. Porté pêle-mêle par la culture touristique, l’attention nouvelle pour le corps, la zen’attitude, l’appétit pour l’ailleurs le hammam fleurit partout en Occident. De culture populaire traditionnelle le hammam est devenu luxe exotique. Et si d’Istanbul à Marrakech les plus prestigieux renaissent c’est qu’ils se dédient presque exclusivement aux touristes !
Y aura-t-il un retour aux sources comme avec le narghilé que jeunes Turcs, Syriens, Libanais ou Jordaniens se sont réappropriés après sa vogue européenne et avant son inique condamnation hygiéniste ? Ce ne serait que justice. Il y a urgence à sauver ce qui peut l’être encore de ce patrimoine architectural. Ce livre raffiné et sa judicieuse édition en langue anglaise publiée par l’American University of Cairo devraient participer à une prise de conscience locale.
Tout entier aux symboles du hammam j’allais oublier de dire un mot sur la photo. Dans cet ouvrage la fidélité de l’auteur à son thème de prédilection s’accompagne de l’affirmation d’un style personnel dont la griffe est l’usage quasi pictural de la couleur, alchimie parfaitement maîtrisée entre lumières artificielle et naturelle. Un très beau, patient et difficile travail.
(*) Les derniers bains du Caire, Le Bec en l’Air. 2008. Textes : Eve Gandossi et May Telmissany. Photos : Pascal Meunier. 240 x 290 mm. 144 pages.