Juil 082009
Rose, blanc, rose, blanc, rose, blanc, les lauriers fleuris qui bordent le chemin de fer entre Suzhou et Shanghai m’accompagnent d’une alternance monotone(*). Je suis bien au sud du Yangzi. Le riz pousse partout, les paysans portent le fameux chapeau conique mais aucune trace de fermes d’une tradition authentifiée à l’horizon qui parachèverait le tableau attendu. A moins que ce ne soit ces petits immeubles modernes et coquets à clocheton surmontés d’un bilboquet à boule argentée, façon Disneyland. Il s’en trouve des milliers quand on s’éloigne de Hangzhou, imitation brique, gris ou rouges, ornés de losanges. Que j’aimerais que l’on m’explique.
Ce paysage en quête de légende ne fait qu’accroitre la vacuité de ce voyage. Ma voisine, pimbêche made in Shanghai, souffre ma présence en silence plus qu’elle ne l’apprécie. Avec mon sac-à-dos, mon t-shirt trempé de sueur, mon short, mes nu-pieds, mes provisions de route, mon thermos de thé, ma barbe de trois jours, elle n’est visiblement pas ravie d’avoir payé un train à grande vitesse pour se retrouver à côté d’un migrant, fut-il étranger. Alors, vous pensez bien que mon intérêt pour la campagne chinoise la désespère.
Elle s’anime enfin à l’énoncé de mon origine. « Oui, Paris, si romantique, parlez-moi de la mode… » Ne dit-on pas que pour recevoir il faut savoir donner. Je fais donc un effort, j’essaie de ne pas froisser cette fashion victim, de lui laisser quelques illusions. En plus c’est bon pour notre balance extérieure. Mais je suis bien obligé d’avouer que, non, les Français ne s’habillent pas plus souvent chez les grands couturiers qu’ils ne sifflent de grands crus à chaque repas. Ah, que les clichés ont la vie dure. Mais ne sont-ils pas faits pour être dépassés ?
Enfin Shanghai, presque sans prévenir. Shanghai n’est pas Pékin expliquait Thierry Sanjuan lors d’une conférence auquel j’assistais cet hiver. Il parlait urbanisme bien sûr. Débarqué en fin d’après-midi, je n’ai presque rien vu de cette mégapole mais il est vrai que Shanghai vous saute au visage dès que vous posez le pied à la gare du Sud. Contrairement à Pékin, ici on court dans le métro et les escalators, on parle fort, la ville est un désordre, et l’approche de l’exposition internationale n’arrange sans doute rien.
Mais la faute originelle revient sans doute à ces fameuses concessions issues des « traités inégaux » de Nankin (1842-43) qui ont donné naissance à ce qui est encore la plus grande ville chinoise et qui ont modelé indirectement jusqu’au système politique chinois. Ville à forte concentration ouvrière pour fournir l’export, c’est en effet à Shanghai, que se tient en 1921, le premier congrès national du Parti communiste chinois.
Constat amère la nuit tombée. Ce n’est pas vraiment le moment de visiter Shanghai. Non seulement la température campe sur les 37° dans une moiteur liquéfiante mais le fameux Bund est fermé pour lifting accéléré en prévision de 2010 !
(*) Hangzhou-Shanghai Nan (sud). 6€. 1h30.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Shanghai Nan ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2009/07/shanghai-nan/>