Août 032009
Randonnée à Pradelles que Stevenson gagne au deuxième jour de son voyage en provenance du Monastier le 23 septembre. Si Langogne a peu marqué Stevenson comme je le signalais hier, ce n’est pas le cas Monastier-sur-Gazeille dont il croqué la petite société avec un humour picaresque. Il lui a même consacré un texte Une ville de montagne en France qui devait servir de chapitre introductif au Voyage mais qui fut finalement publié séparément dans la revue The Studio(*). Il avait accumulé une abondante matière puisqu’il séjourna dans ce village un mois avant de s’élancer sur les pentes cévenoles. Dans ce texte, c’est le journaliste Stevenson qui s’adresse au lecteur, qui enquête, qui livre un rapport concis sur cette ville. Il nous parle d’un monde réel, pas d’un fantasme touristique. Au Monastier, son meilleur ami – et informateur – est le conducteur des Ponts et Chaussées, homme-clef d’une commune rurale de l’époque, avec lequel il entreprend des tournées. Son texte parle des métiers et des salaires, des puissants comme des manants, de politique, de l’exode rural. Il va même jusqu’à écorner le folklore, avouant que la bourrée « avec sa musique douce, vagabonde, interminable et ses silhouettes rustiques et animées, est tombée en désuétude ; on s’en souvient plutôt comme d’une coutume du passé » n’hésitant pas à convoquer avec déploration la globalisation des économies : « Je regrette ce changement, et je m’étonne, une fois de plus de l’ordre compliqué des choses sur cette terre, comment un changement dans la mode en Angleterre [il fait référence à l’abandon de la dentelle] peut réduire au silence tant de gaieté dans les montagnes de France ». (**) On notera à ce propos l’ancienneté du phénomène !
De quoi nous parlerait-il s’il condescendait à revenir sur ses traces ? Sans doute de ce que nous ne voulons pas voir en voyage et qui constitue pourtant la réalité de cette région : la rurbanisation de Langogne avec zones pavillonnaires et zone commerciale (Intermarché, Netto, Gamm Vert…), des rapports entre ville et campagne, des derniers paysans et des agriculteurs du bio et du moins beau, de l’abandon des campagnes dès lors que le tourisme l’ignore comme à Pranlac, des maisons de retraite, des conséquence du lac de Naussac, de la mort programmée du Cévenol, des tergiversations du conseil municipal, des atouts de l’intercommunalité, des haltes aux stations-service, de la diversité de l’offre d’hébergement, des folles nuits mousse sur le dance-floor du Khéops, des moissons à bord d’un New Holland, de l’étonnant contraste entre l’agitation touristique autour du monastère de Notre-dame des Neiges sa règle, de la difficile installation des propriétaires de l’Idéal Kebab,…
La visite de Langogne proposée par la syndicat d’initiative avec un passeur d’histoires, label des guides non officiels, est tout l’opposé. Comme partout ailleurs, on y parle du passé, certes brillamment et avec moults détails et anecdotes, mais on n’y apprend rien du présent, sans grand respect finalement à l’esprit de Stevenson transformé pour le goût du temps en icône rando-écolo.
La visite de Langogne proposée par la syndicat d’initiative avec un passeur d’histoires, label des guides non officiels, est tout l’opposé. Comme partout ailleurs, on y parle du passé, certes brillamment et avec moults détails et anecdotes, mais on n’y apprend rien du présent, sans grand respect finalement à l’esprit de Stevenson transformé pour le goût du temps en icône rando-écolo.
(*) A Mountain Town in France: Some Lead-Pencil Drawings Made in the Neighbourhood of Monastier, France, by Robt. Louis Stevenson The Studio, 1896. published in THE STUDIO (Special Winter Number 1896-97), pp. 1-24; traduit dans Journal de Route en Cévennes ou à lire ci-dessous.
(**) Journal de route en Cévennes. Robert Louis Stevenson. Première édition à partir du manuscrit de R.L. Stevenson. Edouard Privat et Club Cévenol. Trad. Jacques Blondel. Toulouse. 1978. p. 26.