Toujours à vélo – que serais-je à Pékin sans vélo ? – je me suis rendu à Liulichang, le paradis des peintres et calligraphes chinois. On y trouve la vraie encre de Chine, le papier de riz en rouleau encadré de soie, des pinceaux de la taille d’un poil à celle d’un balai, des encriers en pierre à savon valant des fortunes, et pour que les maîtres signent leurs oeuvres, des sceaux en gemme et la précieuse encre rouge.
Sur le chemin du retour, mon sang catholique n’a fait qu’un tour à la vue de la façade baroque d’une église en brique grise. Emotion. Je venais de mettre la main sur la Nan Tang la plus ancienne église de Pékin, celle-là même que fonda Matteo Ricci dont on fête le 400e anniversaire de la mort et dont la statue vante la générosité reconnue par l’empereur(*). Faut dire que le Jésuite italien avait collaboré en matière scientifique. Le transfert de technologie a toujours été apprécié en Chine !
Le temps d’avaler une soupe dans une chaîne de fast-food chinois que déjà la nuit tombé.
Pédalant sur l’interminable avenue Chang’an je fais le constat que la Chine est résolument la patrie des droits… du cycliste. Non content de rouler à contresens, de griller les feux, aucun vélo ne possède de phare ! La dynamo n’aurait donc point de traduction en mandarin ? Et en un an de Chine, je n’ai jamais vu un agent verbaliser un cycliste malgré des conduites hautement répréhensibles. Que l’État décide de faire le méchant en imposant un contrôle technique, il ferait la fortune de générations de marchands de cycles !
(*) Matteo Ricci, Missionnaire italien (Macerata 1552-Pékin 1610). Jésuite (1571), il fonda la mission catholique en Chine, où il vécut à partir de 1582. Il s’intéressa à la civilisation chinoise et s’attacha à adapter l’apostolat aux croyances locales. Il rédigea un traité de morale en chinois, le Tian zhu shi yi. Son attitude syncrétiste fut à l’origine de la querelle des rites chinois.