Déc 052009
 
Baoding, Librairie Xinhua (c) Yves Traynard 2009 Sans rien chercher de précis, j’ai passé l’après-midi à la la Fnac locale, la grande librairie Xinhua du centre-ville moderne(*). Cinq étages de livres, CD, DVD. Au rayon musique, on notera la place exceptionnelle accordée à Richard Clayderman. Salons de coiffure, supermarchés, aéroports, passez-moi vos commandes, y’a du stock et au meilleur prix ! Trêve d’ironie et de mépris. Notre pianiste international a permis de « faire passer » en douceur un peu de musique classique auprès d’un large public chinois, loin de tout académisme certes, mais on peut espérer qu’il aura donné le goût à certains d’aller plus loin.
Plus sérieusement, on est frappé par l’importance du rayon calligraphie et la faiblesse du livre d’art. Il est vrai que ces derniers sont trop chers pour les bourses chinoises. D’ailleurs, comme en France, la clientèle lit sans complexe dans les rayons de cette librairie bien chauffée. Il y a quelques objets drôles. Par exemple, cette collection de DVD de découverte du monde, style National Geographic, qui affiche en couverture de ses titres Europe, de magnifiques colonnes romaines, mais qui appartiennent hélas au tétrapyle de Palmyre… en Syrie. La Turquie a déjà du mal à entrer en Europe, alors la Syrie, ça me parait plutôt prématuré. Mais vu de Chine…
Dans toute la librairie, nul ouvrage en français en dehors de trois dictionnaires français-chinois. La langue de Shakespeare est infiniment mieux représentée, mais il est vrai qu’on l’apprend dès le secondaire et le nombre de ses locuteurs est sans commune mesure. On y trouve par exemple plusieurs saisons de Prison Break en DVD interactif façon méthode de langue, avec dialogues traduits en chinois. Quand trouverons-nous Plus belle la vie ou Un gars, une fille dans la même collection ?
Rien en V.O. certes, mais en traduction ? Sans surprise, le XIXe s., sans doute l’apogée de la littérature française, est plutôt bien représenté. La sélection de titres est certes limitée, mais tous les grands romanciers sont là, en collection de poche. Hugo, Maupassant, Jules Verne, Dumas, Balzac, Flaubert… à l’exception notable de Zola(**).
Pour le XXe s., la sélection de la librairie est par contre totalement incohérente. On y trouve tout Duras dans une jolie collection toilée. L’amant, Moderato cantabile, Un barrage contre le Pacifique…19 titres au total, pour la plupart inconnus du commun des Français. Autres surprises, 12 exemplaires de Nadja d’André Breton, un Rohmer, La maison d’Elisabeth et les Souvenirs entomologiques de Jean-Henri Fabre. La présence d’A la recherche du temps perdu semble plus naturelle tout comme celle du Petit Prince qui est même disponible dans deux éditions. Mais c’est tout ! Pas même un Sartre, un Camus, un Le Clézio en rayon.
Il y a certainement une explication rationnelle à ce qui parait à un Français une étrange sélection contemporaine. Voilà qui ferait un bon sujet de mémoire (La littérature française à Baoding, étude d’après les rayons de la librairie Xinhua), mais demanderait un travail d’enquête pour expliquer les choix du libraire, interroger la clientèle, relier tout ça à l’appréhension de la littérature étrangère en Chine et à sa diffusion. Bref, vu l’effort à accomplir, je doute qu’un étudiant de 4e année se lance dans une telle étude. Comme sur beaucoup de sujets, je risque fort de rester sur ma faim.

(*) La librairie Xinhua, ouverte en 1937, possède plus de 14 000 points de vente.
(**) Relevé exhaustif des titres du XIXe s.
en rayon à la librairie Xinhua de Baoding (sauf erreur ou omission). Cette liste ne présume en rien des ouvrages français diffusés ailleurs en Chine ou sur internet par cette même librairie.
Les Misérables (Hugo)
Notre-Dame de Paris (Hugo)
Le Tour du monde en 80 jours (Jules Verne)
De la terre à la lune (Jules Verne)
Sélection de nouvelles (Maupassant)
Le Père Goriot (Balzac)
La Dame aux camélias (Dumas)
La Tulipe noire (Dumas)
Les trois mousquetaires (Dumas)
Madame Bovary (Flaubert)
L’Éducation sentimentale (Flaubert)
Les Fleurs du mal (Baudelaire)