Ce matin, j’ai quitté Ningbo pour Wenzhou. Un train à grande vitesse relie désormais ces deux ports à Shanghai.
Les guides de voyage et même Google maps n’arrivent pas à suivre la révolution ferroviaire chinoise. Avec des lignes nouvelles et leur cortège de gares qui poussent comme des bambous, toutes les indications du Lonely Planet sont erronées.
La gare de Ningbo a été rasée, on quitte maintenant la ville par une nouvelle, à l’est. Quant à Wenzhou, c’est également une gare flambant neuve au sud-ouest de la ville qui nous a accueillis(**), après à peine une heure trente de trajet à 250 km/h.
Le modèle de TGV emprunté est particulièrement spacieux, même en seconde classe. La ligne longe la côte, traverse des collines boisées et offre quelques belles échappées sur la mer. La brume très présente aujourd’hui a délavé les couleurs et fait chuté le thermomètre de dix bons degrés. Le magazine de bord propose un reportage sur les ouvriers du rail.
La ville de Wenzhou n’a rien de touristique. Aucune auberge n’est recensée. N’ayant pas trop de temps à perdre, j’ai opté rapidement pour un hôtel business, avec grand hall, hôtesses en uniforme et moquette profonde, en plein centre-ville(***).
Pourquoi se rendre à Wenzhou me direz-vous alors qu’une vie ne suffirait pas à explorer le patrimoine culturel et naturel de la Chine ? Tout simplement, pour voir à quoi ressemble la patrie de mes voisins chinois de Belleville.
Port chinois très actif, Wenzhou et sa région ont fourni des bataillons de migrants, ayant installé des « comptoirs » commerciaux un peu partout dans le monde. On qualifie ses habitants de redoutables hommes d’affaires, même en Chine !
En France, la vague de migrants wenzhou a débuté dans les années 80 et n’a pas grand chose à voir avec les « Chinois » de France fuyant l’ex-Indochine de la décennie précédente.
Si les traces wenzhou sont très nombreuses à Belleville, l’inverse n’est nullement vrai. Ici, aucune enseigne ne rappelle Paris ou la France ; je n’ai pas croisé un seul visage étranger, tandis que je suscitais beaucoup de curiosité.
Contrairement à Ningbo ou Tianjin, Wenzhou n’a pas entamé une vaste transformation urbanistique. Le centre-ville organisé autour la rue piétonne wuma de style néo-colonial, associe immeubles en verre futuristes, ruelles décrépies, maisons basses en bois recouvertes de tuiles grises, immeubles en brique de l’ère mao et du boom économique des années 80. Les échoppes très modestes ouvertes sur la rue sont légion : alimentation, réparation, coiffeur, agent immobilier. Ce fatras rappelle un peu Beyrouth ; une frénésie, des strates, peu de plan d’ensemble. Les vélotaxis sont encore très utilisés pour les petits trajets. On y parle plus haut que dans les autres métropoles, hélas même à l’hôtel. Détail amusant. Les arrêts de bus sont annoncés par des haut-parleurs. Les voix sont sans doute enregistrées à Pékin, en tout cas en bon mandarin officiel, loin du dialecte et de l’accent d’ici. Tout le long du trajet, mon voisin reprenait les annonces à haute-voix en singeant l’accent de l’annonceuse déclenchant l’hilarité des passagers.
Entre gueulantes qui traversent les maigres cloisons, pétards (le nouvel an dure deux bonnes semaines) et mélopées qui s’échappent du KTV du 2e étage, je vais tenter de fermer l’oeil.
(*) de l’AJ, bus 22 jusqu’au terminus pour accéder à la gare de l’Est (Ningbodong).
(**) de la gare du Sud (Wenzhounan), bus 78 pour le centre ville. Accès à la rue Wuma par l’arrêt Renmin Xi Lu. Plan des bus depuis la gare.
(***) Hotel Chamber of commerce, 30, rue Canghou. 238 yuans la nuit petit-déjeuner compris. Accueil anglophone.