Habiter et plus encore visiter le sud de la Chine en hiver est un combat permanent contre le froid et l’humidité. Une ancienne législation proscrit les installations de chauffage au sud du Yangtze. S’il est vrai que l’hiver y est bref, il peut être vif. Cette année il a neigé dans l’Anhui et le Jiangsu.
Faute de chauffage collectif comme dans le nord, les Chinois ont trouvé la parade. Ils ont doté les climatiseurs, très sollicités en été, d’une fonction chauffage. Ces appareils étant peu performants et les immeubles très mal isolés, il faut donc les laisser tourner jour et nuit pour maintenir une température de 15oC au mieux. Bruit, chaud et froid permanent, rendement énergétique déplorable, cette économie ressemble en tout point à une fausse bonne idée. Évidemment, il y a sud et sud. A Xiamen ou Kunming, ce n’est pas très gênant, l’hiver y est plutôt doux.
Par malchance, Nanjing, comme Shanghai, est posée sur la rive méridionale du fleuve. Autant dire qu’on se gèle partout. A l’hôtel, dans les restaurants, dans les bus, dans les boutiques aux portes généreusement ouvertes sur la rue, il faut garder deux polaires et une veste chaude en permanence.
Couchés de bonne heure, les jeunes de l’Auberge surfent pendant des heures sous la couette, en mode hibernaute. Vivement Baoding où l’on dispose de mi-novembre à mi-mars d’un vrai chauffage central.
Par ce climat, le vestiaire du musée de Nanjing ne fait pas recette. Un beau musée d’art pourtant. On y retrouve les classiques sections par matériau dont peut s’enorgueillir à juste titre la Chine :
玉 yù : jade
瓷器 cíqì : céramique
漆 qī : laque
青铜 qīngtóng : bronze
A la section textile, où trônent ces éblouissantes vestes d’apparat en soie brodées de dragons et de nuages, j’ai découvert en vente, des cravates en brocart identiques à celles qui ont fait la fortune de Tony Stephan à Damas. J’ai peine à croire à la coïncidence(*).
La plupart des pièces présentées dans les vitrines proviennent des provinces du Jiangsu et de l’Anhui. A l’arrière du pavillon se construit le futur musée qui rivalisera sans doute avec les musées des autres provinces.
Car la Chine rattrape aussi son retard en la matière. Nos guides de voyage sont incapables à rendre la richesse patrimoniale de la Chine. Pour un pays aussi vaste, aussi peuplé, à l’histoire aussi riche, l’approche monographique (un pays, un guide) est totalement inadaptée. C’est un peu comme si l’on proposait un seul guide pour l’Afrique noire ! Et encore, l’Afrique est bien moins peuplée que la Chine et son histoire a laissé peu de traces patrimoniales matérielles.
En parlant d’Afrique, surprise au détour d’une rue. Je pensais les touaregs devenus infréquentables depuis leurs liens avec AQMI. Erreur, ce peuple icône du tourisme ‘différent’ dès les années 80 avec ses chameaux, ses costumes chatoyants, ses airs d’hommes libres, continue à faire vendre en Chine… des automobiles sous le label ‘nouveau touareg’. Bravo Volkswagen pour ce ‘transport’ d’imaginaire. Les petits peuples ne sont décidément juste bon qu’à nourrir l’imaginaire des nantis.
Menu du jour : tranches de boeuf (séché ?) sur lit de riz blanc sauce caramel, servi avec oeuf de cent ans, ravier de choux au piment et bouillon aux filaments de blanc d’œuf. Quelques calories vite dépensées.
(*) Site http://chinanjyunjing.com
Location:汉口西路,Nankin,République populaire de Chine
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Hibernaute ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2011/02/hibernaute/>