Le campus se vide. Les étudiants rejoignent leur famille, se ruant sur des trains déjà bondés en temps ordinaire. Un exode massif qui ruine tout espoir de voyage pour le professeur qui voulait se rendre à Xian, Lanzhou, Turfan, antiques cités des routes commerciales, aux mosquées et temples bouddhiques fameux, baptisées de manière un peu restrictive « Route de la soie ». Imaginez des dizaines de milliers d’étudiants prenant le train en même temps, campant aux rares guichets. Résultat prévisible : 没有票 ! meiyou piao, meiyou piao, meiyou piao ! Pas de billet.
En attendant un avion qui le rapatrie, le professeur est donc prisonnier à Baoding dans une ville qui s’installe dans la torpeur estivale. Les pluies exceptionnelles qui ont failli noyer Pékin ont plongé la région – réputée pour sa sécheresse – dans la moiteur. Une brume grisâtre, laiteuse, asphyxiante s’est abattue sur le paysage. La ville est méconnaissable. Sueur, sommeil agité, perte d’appétit, le professeur privé d’activité, de collègues et d’étudiants est cantonné dans l’étroit triangle de son monde connu (vieux campus, nouveau centre-ville, vieille ville) condamné à dépenser le peu de yuans gagnés pour s’occuper.
Les journées se suivent et se ressemblent. Avant midi, sauter dans le bus 29 jusqu’à Baobai, son air conditionné, son Pizza Hut (pas fameux), son KFC, son hypermarché étincelant qui fait passer nos Auchan pour de vulgaires Lidl. Après une sieste au Weiduomei Café, bus 102 pour la vieille-ville, déambulation dans les boutiques de sport, par dizaines : Nike, Kappa, Adidas, Columbia, Jeep, no fake, mais prix internationaux. Leurs concurrents du marché local, Li-ning, Anta, Kolumb, Kangwei, Semir, 361°, offrent une qualité plutôt satisfaisante à des tarifs plus abordables, mais ne pas compter trouver un T-shirt à moins de 15 €. Et oui, c’est ça aussi la Chine d’aujourd’hui. Pour du hard-discount, il faut flâner dans les galeries en sous-sol ou les étals de rue. C’est un bric-à-brac de contrefaçons et produits sans marque ; évidemment la qualité est celle qui a fait la (mauvaise) réputation des produits chinois. Quant à l’électronique, le constat est simple : ne guère compter faire de bonnes affaires sur les matériels de marque (Acer, Asus, HP, Samsung, Lenovo), même dans les centres commerciaux spécialisés comme EGO. Pour un portable, les prix sont alignés sur ceux de Grosbill, pour un Windows en chinois, et un clavier Qwerty (*). Seuls sont intéressants les composants et petits accessoires : clef USB, carte micro SDHC (1€ le Go au lieu de 2€ en France), sacoche, souris, mais même les disques Seagate ou Western Digital flirtent avec le tarif français.
Fourbu par ses emplettes distrayantes mais vaines et la difficulté à trouver des souvenirs chinois originaux (essayez de trouver un T-shirt avec un motif et un texte chinois, un carnet sans Mickey ou Tour Eiffel), le professeur s’installe ensuite dans la cour rafraîchissante du My Life café pour surfer sur un wifi au débit décent avant d’avaler une platée de tamian, la soupe de nouilles tirées à la main, spécialité de Chine occidentale assis sur un tabouret d’un bouiboui halal poisseux mais généreux et bon. Si Turfan ne vient à toi…
Après ça, il est déjà 21 h, l’heure du dernier 27 qui conduit au vieux campus.
(*) exception faite de l’iPod Touch 4, échangé à 190€ en boutique Apple reseller (au lieu de 230 € en France), matériel et OS 100% identiques, sous garantie internationale.