Il est devenu de bon ton de s’agacer contre ceux qui ressassent l’histoire coloniale. Il serait temps pour les anciennes colonies de tourner la page, d’arrêter de regarder en arrière en se cherchant des responsables, de se prendre en charge, d’affronter les réalités. C’était l’argument du désastreux discours de Dakar.
C’est mal comprendre la profondeur des bouleversements que les colonisations ont introduits dans les sociétés. Les études post-coloniales font émerger des éléments qui – loin de la culpabilisation stérile – aident à lire le présent. Non-fiction.fr nous en rapporte plusieurs tirées des actes d’un colloque(*).
En Algérie par exemple, Malek Bouyahia s’intéresse à « la nation postcoloniale, la nation algérienne » et au processus de minorisation des femmes. Il avance une thèse originale : « les discours obsessionnels, voire haineux des nationalistes et des islamistes concernant les femmes […] sont les résultats d’une réaction aux différentes humiliations qui vont installer durablement l’indigène dans une altérité radicale qui l’absout et l’exclut en même temps du procès de civilisation […] »(**)
Il ne s’agit pas d’absoudre ou de condamner. Il est question de comprendre. De se demander si l’exotisation, la mise en folklore permanente, l’essentialisation des populations non occidentales (à travers le tourisme entre autres vecteurs aujourd’hui) n’est pas un déni d’humanité, un frein à l’expression du caractère universel de certaines valeurs rendue nécessaire par un mode globalisé.
(*) Genre et Postcolonialismes. Dialogues transcontinentaux, Anne Berger, Eleni Varikas, Editions des Archives contemporaines, 2011.
(**) L’identité algérienne ou les ambiguïtés de la nation postcoloniale, op. cit., p. 76. Cité dans Savoirs situés et genrés, non-fiction.fr. Article complet à lire ci-dessous.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Altérité radicale ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2012/03/alterite-radicale/>