Etre à Banda Aceh les premières heures c’est en permanence chercher cette vague géante, se représenter sa hauteur, sa vitesse, où que l’on soit, dans sa chambre, au restaurant, dans la rue, à bord d’un labi-labi. C’est imaginer qu’il revienne brutalement ce mur d’eau implacable, haut de 15 m qui fond sur vous à folle allure, ce rouleau compresseur qui détruit tout, vous assomme et vous noie. Tsunami, la mer s’est renversée et notre esprit est trop petit pour l’imaginer. 230 000 morts sur le pourtour de l’Océan Indien en quelques heures. 60 000 pour la seule ville de Banda Aceh. En indonésien il y a deux formes d’au revoir. A ceux qui partent on dit «selamat dalang», à ceux qui restent «selamat tinggal»… L’étranger de passage se sent quelque part entre les deux. Pour sortir de cette obsession, je me suis rendu au Tsunami monument. Un simple terre plein, quelques tombes apparentes représentent les dizaines de milliers d’inconnus jetés dans des fosses communes.
Les 99 noms de Dieu, en arabe, et personne. En arrière un pavillon de l’ancien hôpital éventré vous regarde, droit, fier mais les yeux vides.
Ici personne ne vous ennuie avec son histoire. Pudeur, volonté d’oublier, de vivre sans ou avec… je ne sais pas. La compassion gagnerait à se passer de littérature.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Devoir de mémoire ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2007/05/devoir-de-memoire/>