Mar 172010
Dans un article de la revue Le Globe(*), Jean-François Staszak, directeur du département de Géographie de l’Université de Genève, revient sur la définition de l’exotisme, ses manifestations, son rôle, ses conséquences sur la base de nombreux exemples tirés de la colonisation, de la mode, du tourisme, de la peinture (il a beaucoup travaillé sur Gauguin). Montrant à quel point nous sommes encore englués dans des représentations coloniales il conclut :
« C’est à travers l’exotisme que l’Occident appréhende ou a appréhendé le monde. L’exotisme, en tant que catégorie de la pensée, détermine des pratiques qui ont un effet réel sur le monde réel, et parmi ces pratiques, celles qui ont permis ou permettent à l’Occident de dominer ou d’exploiter le reste du Monde.«
« C’est à travers l’exotisme que l’Occident appréhende ou a appréhendé le monde. L’exotisme, en tant que catégorie de la pensée, détermine des pratiques qui ont un effet réel sur le monde réel, et parmi ces pratiques, celles qui ont permis ou permettent à l’Occident de dominer ou d’exploiter le reste du Monde.«
Pour dépasser l’exotisme de nos lunettes coloniales, il propose trois pistes :
- La première « passe par la continuation et le dépassement du processus d’exotisation, c’est-à-dire par re-contextualisation » des objets exotiques (un peu façon quai Branly). Sur cette piste, l’auteur entrevoit (comme moi pour d’autres motifs) peu de résultats malgré le travail des ethnologues depuis plus d’un siècle.
- La deuxième « consiste en une déconstruction de l’exotisme. L’exposé du processus d’exotisation, l’explicitation de ses non-dits, la relativisation de son point de vue, la caractérisation de ses stéréotypes, etc. sont autant de moyens pour replacer l’exotisme dans le cadre de l’histoire des rapports entre l’Europe et le reste du monde.«
- La troisième, plus radicale et plus politique, « passe par un retournement des points de vue. La désexotisation du monde nécessite peut-être l’affirmation, dans l’ancienne périphérie, d’un point de vue et d’une parole qui refusent de considérer l’Occident comme une norme et un centre absolus.«
Il ne faut pas compter sur les acteurs du tourisme classique pour agir dans le sens d’une déconstruction et encore moins d’un retournement de point de vue. L’exotisme fait vendre, et il n’y a rien de plus facile ; j’en ai encore vendu hier une tranche de 5 mn pour France Info en parlant d’Ilha de Mozambique(**). Mais une des tâches parmi d’autres que j’assignerais volontiers au tourisme du Réel serait d’apporter, sur la question de l’exotisme, plus de distance et moins de complaisance.
(*) 2008, « Qu’est-ce que l’exotisme ? », Le Globe, revue internationale de géographie fondée à Genève en 1860. L’ensemble du numéro 148, consacré à l’exotisme, est également en ligne.
(**) Dans le cadre d’un numéro de Voyage, Voyage qui sera diffusé en juillet.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « De l’exotisme ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2010/03/de-lexotisme/>