Le traditionnel ménage du dimanche matin achevé, je me rends au jardin municipal « namarados » face à l’Océan où l’on peut flâner en toute sécurité en suivant les cargos quitter l’estuaire pour prendre le large. Plongé dans un ouvrage de Michel Cahen (*) très critique à l’égard du FRELIMO des années 80. Sa thèse : les difficultés de l’époque sont dues non à un excès de gauchisme mais au contraire à une application trop timide des principes du socialisme, à une mauvaise analyse de la sociologie des campagnes mozambicaines et à une trop forte dépendance à l’Afrique du Sud. Si la thèse est vivement critiquable et très datée elle prédit néanmoins assez bien les dangers du virage libéral de 84 (**) : la relance économique touchera la ville et ignorera les campagnes.
Assisté au coucher de soleil dans ma rue, accoudé au comptoir de ma barracas. Alors que l’azur pâlit et les murs des immeubles virent à l’ocre, quelques voitures slaloment lentement dans les fondrières. Les moustiques s’activent. La lumière pâle gomme les imperfections. Le sable qui a depuis longtemps avalé le goudron prend l’aspect serein de cette terre qui un jour nous ensevelira. Sursaut de vie, Bob Marley, Elton John et 50 cents se disputent l’air avant que le muezzin n’entonne l’adhan.
(*) Michel Cahen, Mozambique, La Révolution implosée. L’Harmattan. 1987.
(**) Année de l’adhésion du Mozambique au FMI et à la Banque Mondiale
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Tombe la nuit ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2006/07/tombe-la-nuit/>