J’habite avenue de Maguiguana, dont le nom fait référence à un héros de la guerre de libération nationale. Pour moi c’est plutôt la rue du Repos. Les matins, pour m’apaiser en ces jours où les évènements nous rappellent que la vie n’est qu’un passage, je marche entre les hauts murs des vieux cimetières qui la bordent sur 200 m. Ils sont quatre comme les monothéismes canoniques de l’islam. Le musulman piqueté de croissants, le carré israélite aux rares tombes autour d’un mausolée, en face le cimetière farsi des indiens zoroastriens et le grand cimetière chrétien, Père Lachaise miniature aux sépultures monumentales. On n’y enterre plus grand monde. Nul marbrier à la ronde, nul Borniol aux chrysanthèmes éplorés. Les tombes crient fleurs et couronnes. C’est un cimetière comme j’en ai vu à Chypre et en Algérie, tout ce qui reste de ceux qui donnaient corps aux empires : administrateurs européens et commerçants arabes ou indiens venus dans leur sillage. Les Africains n’y avaient pas leur entrée mais délivrés du joug colonial ils ne se résignent pas pour autant à raser ces encombrants vestiges. Si ces cimetières de la Lourenço Marques portugaise dérangent c’est peut-être pas tant à cause des mètres carrés perdus que parce qu’ils illustrent à merveille la vanité des prétentions humaines.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Rue du Repos ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2006/06/rue-du-repos/>