Avr 112009
 
Pékin, Capitale Museum (c) Yves Traynard 2009 Avantage de l’expatrié sur le touriste, son long exil l’autorise à choisir ses visites en fonction de la météo. Puisque le ciel est gris je renonce au temple du Ciel et à la Cité olympique pour me diriger de bon matin vers un musée. Mais lequel choisir ? Pékin ne possède pas de Louvre incontournable à voir ABSOLUMENT. Enfin, pas encore. L’immense Musée national de la place Tian’anmen fait peau neuve et il faudra attendre 2010 pour qu’il rouvre ses portes(*).
Pékin ne pouvant se présenter sans musée aux J.O, la ville a ouvert en 2006 un splendide écrin pour présenter l’art et l’histoire de Pékin et l’a baptisé 首都博物馆 (capitale / musée), qu’on traduira par Musée de la Capitale(**). L’architecture de l’édifice est une co-production sino-française des architectes Kai Cui et Jean-Marie Duthilleu, grand spécialiste de la conception de nos gares (Montparnasse, Gare du Nord, Eurodisney, Avignon, Valence). Le résultat qui associe modernité et emprunt à la tradition chinoise est sobre ; les espaces sont conformes aux derniers standards internationaux en matière d’exposition. Les cinq étages permettent de se familiariser avec l’histoire de Pékin du fameux homme préhistorique éponyme à l’avènement du communisme. Une frise comparative fournit des repères sur l’histoire mondiale. Les choix de ce synchronisme permettraient à un historien un peu sociologue de mesurer la perception chinoise du monde et comment ce pays s’inscrit dans cette histoire. La France apparaît massivement au Siècle des Lumières pour sa contribution au XVIIIe s. Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot et la Déclaration des droits de l’homme y sont convoqués sur fond de prise de la Bastille. Voilà qui devrait décomplexer mon enseignement de littérature qui couvre très exactement cette période. A qui serait surpris d’un tel choix, rappelons que la révolution chinoise se dit fille de la révolution française, largement enseignée dans les manuels d’histoire. Angleterre et États-Unis sont mis en avant pour leurs réalisations techniques et industrielles des deux derniers siècles.

Pékin, Capitale Museum (c) Yves Traynard 2009

Les pièces présentées dans les espaces permanents, soigneusement choisies parmi les immenses collections que possède le musée, révèlent des jades finement taillés, des bronzes calligraphiés, des tissus brodés, des statuettes émouvantes, des porcelaines sublimes, des bouddhas dorés étincelants qui révèlent tout le génie d’une civilisation raffinée plusieurs fois millénaire.
Le musée possède bien sûr sa boutique, son restaurant et un auditorium dans une gaine de bronze qui rappelle les motifs antiques.

Pékin, Capitale Museum (c) Yves Traynard 2009
L’espace d’exposition temporaire présente jusqu’au 21 juin une collection exceptionnelle de cette porcelaine bleu et blanc inaugurée par la dynastie Yuan (1271 -1368). Le rayonnement de la céramique chinoise y est illustré par des vases prêtés par Téhéran.

Pékin, Nanluogu (c) Yves Traynard 2009

Pour terminer la journée, flânerie vespérale du côté de Nanluogu, un hutong façon rue de Lappe ou rue St-Maur. Boutiques branchées, restaurants et bars à l’occidentale (et à Occidentaux) où l’on peut lire paisiblement ou refaire le monde sur un fond de jazz. Après bientôt deux mois en Chine c’est presque exotique ! Faut-il déplorer cette folklo-mondialisation de la culture et la disparition du divers ou y voir l’étape incontournable qui conduira les élites mondialisées vers une citoyenneté internationale fondée sur le partage de codes culturels communs ?
Autre question. Cette reconversion commerciale a permis à ce quartier populaire de Pékin d’échapper à l’haussmanisation des ruelles. Mais comme dans nos centres-villes bobos-rénovés, ses habitants modestes qu’on aperçoit encore dans les allées adjacentes résisteront-ils pour autant à la pression foncière et à toute cette agitation ? Rien n’est moins sûr.


(*) ebeijing, le site officiel de la ville de Pékin.
(**) Beijing Capital Museum, M° Muxidi. Entrée libre aux collections permanentes depuis le 28 mars 2008.


Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « Un musée capital ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2009/04/un-musee-capital/>

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