Réviser l’histoire pour mieux comprendre le présent et construire l’avenir. C’est un peu la discrète ambition de ce cycle de conférences proposé par la mairie du 20e arrondissement sur les politiques sociales du logement et le logement social dans l’Est parisien(*).
Bien au-delà des simples questions d’architecture, de ce qui est visible et lisible aujourd’hui en matière de logement social, c’est le contexte politique et idéologique de la seconde moitié du XXe s. que nous a fait revivre le sociologue Jean-Paul Flamand le temps de cette séance mensuelle.
Un exposé articulé selon trois axes pour comprendre l’émergence du logement social à la fin du XIXe s. Quelques notes maladroites d’un exposé captivant.
La transformation de Paris
A partir du milieu du XIXe s., Paris subit une transformation majeure par la volonté de Napoléon III. Les grands travaux d’Haussmann sont d’abord une création de foncier, avec cette idée, que les « travaux doivent payer les travaux », à savoir que la réquisition du foncier (expropriation indemnisée), sa mise en valeur par des travaux de viabilisation puis sa revente avec plus-value devait être à somme nulle, voire positive pour le maître d’ouvrage. Mais la formation d’une véritable « bulle immobilière » conduira à des faillites retentissantes comme celle des Frères Pereire.
Cette transformation immobilière et ses normes qui ont modelé pour longtemps le visage de Paris se doublent d’une urbanisation de fond.
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La circulation des hommes et des marchandises est améliorée par le percement de grandes et petites artères , de lignes de chemins de fer, de tramways, par l’implantation des halles centrales et de marchés forains,
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La ville est mise en ordre : quadrillage administratif en arrondissements, quartiers, casernes, numérotation des voies, réseaux souterrains (eau potable et eau de rivière, égouts, gaz)
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La ville s’ouvre à sa population : développement de parcs et de bois, plantations d’alignement, travaux d’embellissement.
La remarquable plasticité des infrastructures mises en place facilitera ultérieurement le percement du métro, la pose de l’électricité, du téléphone… Un tel effort d’embellissement et de normes ne pouvait pas laisser prospérer à la marge un habitat dégradé, insalubre pour les plus modestes.
Le rôle du patronat
Lors du développement de l’industrie, le patronat français s’investit dans le logement de la main d’œuvre dont elle a besoin. La réponse apportée dépend de l’importance du capital investi dans l’industrie et du degré de qualification de la main d’œuvre. Lorsque l’entreprise est fortement capitalisée et requiert des savoir-faire complexes (sidérurgie, mine) elle se chargera du logement ouvrier (corons, cités ouvrières de la sidérurgie), dans le cas inverse le logement des ouvriers reposera plutôt sur la bourgeoisie locale commerçante. Plus l’ouvrier est qualifié et sa compétence rare, plus l’employeur développera une politique sociale propre à le retenir… rien de nouveau sous le soleil !
Dans l’est, dès 1851, on voit même apparaitre des sociétés de construction interpatronales. Des maisons unifamiliales avec jardinet sont proposées à l’achat. Une manière de fidéliser les employés les plus qualifiés.
Dans certains cas, à la cité s’ajoute l’école professionnelle où se développe une discipline collective d’entreprise. Le logement reproduit aussi la stratification sociale. Le pavillon de l’ingénieur n’est pas le petit appartement de l’ouvrier.
Dans ce paysage, émergent des expériences originales : le familistère de Godin à Guise, véritable utopie sociale, ou plus près de Paris, la chocolaterie Menier à Noisiel.
Le rôle de l’Etat
La IIIe République est l’affaire d’une bourgeoisie libérale qui a pris conscience des enjeux sociaux après la Commune. Pour étendre l’assise de la République, il lui est nécessaire d’élargir sa base aux couches populaires non paysannes, ces dernières lui étant largement acquises mais s’amenuisant progressivement sous l’effet de l’exode rurale. Lors de l’Exposition universelle qui célèbre le centenaire de la Révolution française, la France souhaite montrer ses réalisations sociales. A cette occasion sont présentées des maquettes de logements ouvriers sur le Champ de mars et un Congrès international de l’habitat ouvrier est organisé.
Concrétisation de ce mouvement, la création des HBM à la fin de cette même année 1889. Du logement ouvrier, on parle désormais d’Habitations à Bon Marché, pour inclure les employés. Le discours est fortement teinté d’idéologie, parfaitement illustrée par cette citation :
Sans logement, il n’y a pas de famille ;
Sans famille, il n’y a pas de morale ;
Sans morale, il n’y a pas d’hommes ;
Sans hommes, il n’y a pas de patrie.Jules Simon
(*) Cycle de conférences sur les politiques sociales du logement et le logement social dans l’Est parisien animé par Jean-Paul Flamand, un samedi par mois à 15h au pavillon Carré de Baudouin, Paris 20e.
Pour citer cet article (format MLA) : Traynard, Yves. « 1889, une date clé dans l’histoire du logement social ». ytraynard.fr 2024 [En ligne]. Page consultée en 2024. <https://www.ytraynard.fr/2010/12/1889-une-date-cl-dans-lhistoire-du-logement-social/>